Après avoir été mise, au début de la semaine, au banc des accusés par le Conseil de sécurité de l'ONU, le Conseil économique du Golfe (CCG) et la Ligue arabe, la Syrie a vu hier débuter son isolement sur la scène internationale avec la décision de l'Arabie Saoudite, du Bahreïn et du Koweït de rappeler leurs ambassadeurs accrédités à Damas pour protester contre la répression qui sévit dans le pays depuis le mois de mars dernier. Le régime de Damas – qui a suscité l'indignation des peuples du monde entier par son extrême brutalité exercée à l'encontre de son propre peuple – a été également très sévèrement critiqué le même jour par la mosquée Al Azhar du Caire, une institution religieuse de référence dans le monde musulman. «Al Azhar a longtemps patienté et évité de parler de la situation en Syrie en raison de sa sensibilité. Mais la situation a dépassé les limites et il n'y a pas d'autre solution que de mettre fin à cette tragédie arabe et islamique», a déclaré l'imam d'Al Azhar, Ahmed Al Tayyeb, dans un communiqué diffusé par l'agence officielle égyptienne Mena. Partant de ce constat alarmant, Al Azhar a «demandé aux dirigeants syriens d'œuvrer immédiatement à mettre fin à l'effusion de sang et à répondre favorablement aux revendications légitimes des foules syriennes». «La vaste répression, l'usage des degrés les plus extrêmes de violence, les arrestations et l'intimidation auxquels fait face le peuple syrien représentent une tragédie humaine inacceptable», a poursuivi l'imam sur un ton particulièrement dur. Habituellement pondéré et prudent dans ses réactions surtout lorsqu'il s'agit de se prononcer sur un dossier international impliquant un pays arabe, le souverain saoudien ne s'est pas gêné aussi lorsqu'il a annoncé le rappel de son ambassadeur pour «consultations» à mettre Damas devant ses responsabilités sur un ton des plus menaçants. Le roi Abdallah a ainsi sèchement appelé Bachar Al Assad à «arrêter la machine de mort» «avant qu'il ne soit trop tard». Considérée comme l'un des plus grands poids lourds dans le monde arabo-musulman, l'Arabie Saoudite semble visiblement craindre que la crise syrienne devienne un sérieux facteur de déstabilisation pour toute la région du Moyen-Orient. Une déstabilisation qui plus est pourrait profiter à son plus grand rival de toujours : l'Iran. Quoiqu'il en soit, Riyad paraît décidée à peser de tout son poids pour faire en sorte à ce que la transition en Syrie se fasse avec le moins de casse possible. Cela expliquerait d'ailleurs la raison pour laquelle les pétromonarchies du Golfe, voyant le danger poindre à leur porte, se sont décidées à sortir de leur mutisme et à se mobiliser aussi au sein du CCG et que de la Ligue arabe, deux structures régionales sur lesquelles ils ont ces dernières années une influences considérables, pour contraindre Bachar Al Assad à mettre en place une issue rapide à la crise. Les craintes du roi Abdallah La décision de l'Arabie Saoudite a été, signale-t-on, suivie presque simultanément par le Koweït et Bahreïn. Ces annonces sont survenues après une nouvelle journée sanglante où l'armée, chargée de mater les manifestations, a tué 54 civils dimanche, en grande majorité dans la ville de Deir Ezzor (nord-est). L'Union européenne (UE) envisage de son côté de nouvelles sanctions, après l'interdiction de visa et le gel d'avoirs visant une quarantaine d'individus et de sociétés proches du régime. Depuis le 15 mars, la répression de la révolte en Syrie a déjà coûté la vie à plus de 2000 personnes, en majorité des civils. Malgré une plus grande mobilisation de la communauté internationale, rien ne semble pouvoir arrêter la machine de guerre du régime qui a fait encore hier sept morts. Mais en dépit de la répression, le mouvement de contestation ne s'essouffle pas. A préciser que durant la journée d'hier, Bachar Al Assad a nommé un nouveau ministre de la Défense, le général Daoud Rajha. Le général Rajha, âgé de 64 ans, était chef d'état-major de l'armée. Il remplace le général Ali Habib, ministre de la Défense depuis 2009. «Cette nomination entre dans le cadre de changements au plus haut niveau de l'Etat décidés après les rencontres qu'a tenues le président Al Assad avec des délégations représentant des habitants» des villes secouées par la contestation, a expliqué la télévision publique syrienne. L'ancien ministre de la Défense, Ali Habib, «est malade depuis un certain temps et son état de santé s'est aggravé récemment», a ajouté la même source.