Le jeûne à Béchar sous la chaleur accablante du mois d'août (44°C) n'est pas chose aisée ni facile à accomplir. Au Nord, on a l'habitude de se faire une idée vague sur la pénibilité du mois de Ramadhan en été au Sud, mais l'idée ne reflète forcément pas la réalité vécue. Il est donc difficile de l'appréhender à partir des contrées lointaines. Car les conditions climatiques extrêmement chaudes dans lesquelles s'accomplit le mois sacré sont encore aggravées par la dégradation de la situation économique. Mais la foi inébranlable des jeûneurs place ce mois sacré hors des mois ordinaires de l'année et les gens arrivent à surmonter les difficultés du moment dans la résignation, la spiritualité et les frustrations. Qu'on en juge : depuis le début du mois de Ramadhan, les aliments indispensables à la rupture du jeûne sont hors de portée des bourses moyennes au regard de la faiblesse du pouvoir d'achat. La viande ovine est cédée à 900 DA, la viande congelée à 600 DA, le poulet à 360 DA et les dattes, l'aliment nutritif de base nécessaire au f'tour, sont commercialisées entre 350 DA et 400 DA le kg ! Face à ces prix exorbitants, le citoyen reste stoïque et accomplit son devoir sacré dans un contexte marqué par la frugalité et la sobriété dans la consommation, comme cela est édicté et recommandé par les principes religieux. Dans la journée, et à partir de 11h, des signes d'essoufflement des activités commerciales commencent à se manifester sous la vague de chaleur torride. Les commerces baissent rideau, sauf ceux qui sont indispensables tels que ceux de l'alimentation. Les travaux durs et pénibles dans les chantiers sont suspendus depuis le début du mois de juillet et les ouvriers, pour la plupart originaires du Nord, ont rejoint leurs familles dans les villes du Nord. Les administrations publiques tournent au ralenti et à partir de midi, peu d'administrés se présentent devant ces services publics. Les mieux nantis et leurs familles ont déjà fui la canicule, qualifiée de fournaise, pour aller s'installer durant ce mois au bord du littoral des villes de l'Ouest algérien. Durant tout le mois de Ramadhan, les lieux de forte concentration humaine demeurent principalement les marchés des fruits et légumes, les boulangeries, les magasins de vente de lait en sachet et les bouchers. Les alentours de ces lieux, les ruelles et les artères principales du centre-ville se vident, la circulation piétonne et automobile diminue. Le jeûne et la chaleur affaiblissent physiquement. Il est donc déconseillé au jeûneur d'un certain âge de circuler sous le soleil de plomb qui, d'ailleurs, dissuade le plus téméraire à rester dehors. Le soleil tapant fort devient maître des lieux. Heureusement que pour cette année, on ne signale aucune coupure d'électricité, ce qui aurait entraîné l'arrêt des appareils de climatisation et humidificateurs. Les habitants du Sud considèrent toutefois l'abattement de 40% sur le tarif de l'électricité décidé il y a quatre ans comme un acquis. La ville est aussi suffisamment approvisionnée en eau potable. Entre 18 et 20h, une timide reprise des activités des marchés s'amorce et les retardataires s'empressent d'achever leurs emplettes de la matinée et regagner leurs domiciles. A Béchar, comme ailleurs, durant ce mois de piété, les lieux phares restent incontestablement les mosquées qui se remplissent de fidèles pour l'accomplissement de la prière des tarawih. A partir de 22h30, lorsqu'un léger adoucissement de la température s'installe, les gens se rencontrent et investissent les cafés pour siroter du thé, des boissons rafraîchissantes et discuter sur les conditions climatiques de la journée. Sur le plan distractions, il n'existe pratiquement aucun lieu de loisirs et de détente. Mais la maison de la culture a concocté, pour ce mois, un riche programme d'activités pour briser la disette culturelle et la monotonie qui sévissent. Ainsi, deux conférences par semaine sont animées par des professeurs de l'université de Béchar portant sur différents thèmes : histoire, économie, littérature, etc. Des soirées musicales sont aussi prévues au programme, animées par des troupes en provenance de plusieurs wilayas dans le cadre de la manifestation «Tlemcen, capitale de la culture islamique». Quatre pièces de théâtres seront présentées en plus des expositions portant sur l'art plastique et une sur le livre.