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«Utiliser une partie des réserves de changes pour financer le développement industriel algérien» Henri Sterdyniak. Economiste à l'Observatoire français des conjonctures économiques (OFCE)
Directeur du département économie de la mondialisation de l'OFCE, professeur associé à l'université de Paris IX-Dauphine et coanimateur du Manifeste des «économistes atterrés», Henri Sterdyniak révèle, dans cet entretien qu'il a accordé à El Watan, que des rumeurs sont actuellement propagées par des traders sur un éventuel «risque d'éclatement de la zone euro». - Les réserves de changes de l'Algérie sont-elles exposées à des risques ? L'Algérie détient ses réserves sous forme de bons du Trésor américain. C'est un placement sans risque de défaut (les Etats-Unis rembourseront toujours), mais très peu rentable (la rémunération doit être de l'ordre de 0,75% par an). Ce placement peut se déprécier si le dollar chute fortement, ce qui est possible, puisque les Etats-Unis sont fortement déficitaires. On peut penser que l'Algérie devrait diversifier ses réserves (détenir des titres des pays de la zone euro), en utiliser une partie pour investir dans des entreprises américaines ou européennes qui commercent avec l'Algérie ou mieux qui produisent en Algérie pour renforcer ces liens économiques. Enfin, utiliser une partie des réserves de changes pour financer le développement industriel algérien. - Dans la journée de mercredi, les taux boursiers s'affichaient tantôt au vert, tantôt au rouge. Quelles sont les explications que vous pouvez avancer ? Les marchés financiers sont extrêmement volatils, surtout en période de trouble. Les traders gagnent de l'argent au détriment de leurs clients, en organisant la volatilité, en faisant courir des rumeurs et en envisageant des scénarios improbables. Ainsi, actuellement, ils ont inventé un risque d'éclatement de la zone euro qui leur permet d'exiger des taux d'intérêt élevés sur les titres des pays du sud de l'Europe (Grèce, Irlande, Portugal, Espagne et même Italie). Ces taux élevés fragilisent les finances publiques de ces pays et peuvent provoquer leur défaillance. Les anticipations des marchés sont autoréalisatrices. Standard & Poor's a imaginé, au début de la semaine, que les Etats-Unis pourraient faire défaut sur leur dette, ce qui est absurde, puisque la FED peut toujours intervenir pour financer l'Etat américain. Joint à la dégradation des perspectives de croissance aux Etats-Unis et à la crise des dettes publiques de la zone euro, ceci a affolé les marchés qui ont dégringolé. La FED est intervenue en annonçant qu'elle maintiendrait un taux d'intérêt nul jusqu'à mi-2013, ce qui veut dire que l'Etat américain pourra se financer à un très bas taux. Ceci a rassuré les marchés pendant 24 heures, avant qu'ils ne s'inquiètent pour la santé des banques françaises. Un fois de plus, il apparaît que la finance est une chose trop sérieuse pour être confiée aux marchés. - Les agences de notation ont démontré qu'elles exercent une grande influence sur l'économie mondiale. Qui est à la tête de ces agences ? Comment procèdent-elles à la notation? L'économie mondiale dépend-elle de ces organismes ? Les agences de notation sont des entreprises privées. Elles interviennent à la demande des émetteurs de titres (entreprises, institutions financières, pays ou collectivités locales) pour évaluer leur capacité à rembourser leurs dettes. Certains fonds de placement, certains fonds de pensions, certaines banques prévoient explicitement, dans leur règlement, qu'elles ne peuvent détenir que des titres bien notés par les agences. Celles-ci ont donc un pouvoir important : quand elles déclassent un pays, c'est qu'il a du mal à émettre des titres et doit payer des taux d'intérêt plus élevés. Au départ, les agences notaient les émissions des entreprises. Elles pouvaient s'appuyer sur leurs bilans, leurs perspectives de profits, sur les expériences passées de faillite. Ensuite, elles ont noté les crédits structurés, comme les crédits subprimes, et là elles se sont complètement trompées en les notant AAA (sans risque) sans voir qu'elles étaient fragiles en cas de baisse du prix de l'immobilier ou de hausse des taux d'intérêt. Depuis 2 ans, elles ont fortement dégradé les notes de pays comme la Grèce, l'Irlande, le Portugal, sans base empirique, puisque depuis 1942 aucun pays n'a fait défaut sur sa dette.