Que veulent les Irakiens ? La paix bien entendu, et puis, mais là les questions aussi sensibles les unes que les autres n'ont pas toujours les réponses qu'il faut. Parce que tout simplement, il y a un manque flagrant de visibilité, le pays faisant toujours face aux violences ou ses guerres – le terme semble plus approprié – dans lesquelles il s'est enfoncé depuis l'invasion américaine en 2003. Hier encore, et alors que les Irakiens sont divisés sur le maintien d'une force américaine chargée de la formation, une série d'attaques a ciblé une douzaine de villes faisant 66 morts et plus de 200 blessés. Ce qui confirme les visions foncièrement pessimistes de ces derniers mois, mais aussi les fractures au sein de la société irakienne, apparues au lendemain de l'invasion américaine en mars 2003. Il n'a pas suffi en effet que l'Irak connaisse un puissant nettoyage ethnique avec la fin de la coexistence entre communautés. Sans oublier les conséquences de la politique passée, marquée par l'hégémonie d'une communauté sur l'ensemble du pays. Ou cette tentation sécessionniste de plus en plus grande comme l'illustre la tension au sujet de la ville de Kirkouk. Les tensions se sont aggravées, fin février, lorsque des combattants kurdes se sont approchés de Kirkouk, menaçant de s'en emparer. Il reste que la menace de partition de l'Irak, déjà marqué par des entités ethniquement homogènes, est toujours aussi forte. Tout, à vrai dire, inquiète les Irakiens alors que le retrait des troupes américaines se poursuit et que leur maintien sous quelque forme que ce soit pose problème. Pour cette raison, le chef radical chiite, Moqtada Sadr, a anticipé sur cette question en appelant les soldats américains à partir, car dans le cas contraire, il leur déclarerait la guerre. Le départ des troupes US, prévu cette année, pourrait être remis en question car les principales composantes politiques irakiennes ont autorisé le gouvernement à négocier avec les Etats-Unis le maintien d'un contingent limité de formateurs américains, un accord réclamé par les Américains depuis plusieurs mois. Mais sans jamais oser le dire ouvertement, sinon en faire endosser la responsabilité à un gouvernement qui n'a jamais paru aussi faible. Autre voix discordante, celle du vice-président irakien, Tarek El Hachimi, qui estime que le retrait US va renforcer la sécurité en Irak. Selon lui, un maintien de la présence américaine en Irak constituerait «un problème, pas une solution». Selon le Washington Post, l'Administration Obama aurait proposé, en cas d'accord, de maintenir 10 000 hommes en Irak. Ce qui veut dire que l'armée irakienne a encore besoin de l'aide américaine. Mais la persistance de la violence en est très certainement l'élément fondamental. Juillet a été, à cet égard, le deuxième mois le plus meurtrier de l'année en Irak, alors qu'un récent rapport fait état d'une dégradation de la sécurité. Selon un rapport de l'Inspecteur général spécial chargé de la reconstruction de l'Irak (Sigir), l'Irak est moins sûr qu'il y a un an et la sécurité se dégrade. Ses conclusions tranchent avec l'optimisme affiché par les militaires américains, qui se félicitent de la capacité croissante des forces de sécurité irakiennes à endiguer ce phénomène. Depuis hier, il n'est plus possible de persister dans cette voie. L'échec est réel. Il est même considérable, puisque les attentats se sont déroulés presque simultanément dans une douzaine de villes irakiennes. Au plan politique, l'absence de visibilité est totale. Un vrai désastre.