Les propos du porte-parole du Pentagone, jeudi, ont permis de prendre l'exacte mesure du retrait militaire d'Irak opéré la nuit précédente. «Je ne pense pas que quiconque ait déclaré la fin de la guerre pour autant que je le sache», a déclaré Geoff Morell. Et d'ajouter surtout que les 50 000 soldats, qui doivent demeurer en Irak au-delà du 1er septembre, opéreront au sein de six brigades chargées «de conseiller et d'aider» les forces irakiennes, prendront part à des opérations à la demande des autorités irakiennes et joueront un rôle d'appui auprès des unités irakiennes. La guerre continue, et même s'il ne s'agit pas d'une réponse directe aux accusations de l'ancien ministre des Affaires étrangères. Tarek Aziz, qui sait de quoi il parle, accusait justement l'Amérique d'abandonner l'Irak parce que la guerre à laquelle il s'était opposé n'était pas terminée. En la matière, il ne s'agit que de simples opérations de maintien de l'ordre, comme le souligne clairement le chef d'état-major de la nouvelle armée irakienne. Même si, officiellement, dit-on à Baghdad, ce qui s'est passé jeudi «a été planifié et arrangé entre le gouvernement irakien et l'administration américaine», celui qui en a la charge sur le terrain a jugé la semaine dernière prématuré le retrait américain fin 2011, affirmant que son armée ne serait pas prête à remplir complètement sa mission avant 2020. Des propos crus, mais qui ont, de ce fait, le mérite de la clarté et qui rappellent à quel point la situation est à la fois dangereuse et précaire. Par le fait d'abord que la violence n'a jamais cessé. Et ensuite, par le climat politique caractérisé par l'incapacité des dirigeants irakiens à s'entendre sur la composition du nouveau gouvernement cinq mois après les législatives. Et très certainement, les canaux de communication entre les deux armées devront être saturés de demandes irakiennes. C'est cela la nouvelle réalité irakienne, marquée par de profondes divisions, cette fameuse boîte de Pandore, une formule évoquée lors de l'invasion américaine en mars 2003. Comment la refermer, mais le pourra-t-on un jour ? La question reste posée depuis que l'Irak est devenu le théâtre de guerres multiples, contre l'occupant étranger, entre communautés et même en leur sein. C'est la fin de la coexistence entre communautés, comme en témoignent ces déplacements de populations, déclenchées par des opérations d'épuration ethnique. Jusque dans les quartiers. Pour ainsi dire, depuis 2003, les Irakiens vivent dans la peur de la violence aveugle et du risque toujours plus grand du démembrement de leur pays. C'est pourquoi, les propos de l'officiel américain indiquent à quel point rien n'est fini. Ils concordent d'une certaine manière avec ceux du général irakien, même si lui décrit la complexité de la situation. Mais Tarek Aziz, malgré le poids des ans et de la maladie, conserve toute sa lucidité. Il a tout dit.