Durant le Ramadhan, le commerce bat son plein dans La Basse Casbah. Dans la vieille médina d'Alger, petits et grands débrouillards rivalisent d'ingéniosité pour gagner de l'argent, même en s'aventurant sur les sentiers délicats de la gastronomie maghrébine pour satisfaire les palais des uns et les bourses des autres. Debout devant une longue table en bois sur laquelle les ingrédients pour la confection des boureks et des briks — différents de ceux cuisinés en Tunisie — sont mis en évidence pour allécher les potentiels acheteurs, des jeunes squattent la rue Bouzrina (ex-rue de la Lyre) pour faire marcher leur «business». Au brouhaha du marché des fruits et légumes tout proche de la rue de Chartres, des véhicules avec leurs gaz d'échappement qui empruntent cette rue commerçante pour aller vers la place des Martyrs, s'ajoutent les odeurs agressives des fritures de bourek. Différents de ceux confectionnés à la maison, avec de la viande hachée, des oignons et des œufs brouillés, les boureks proposés dans les ruelles humides de La Basse Casbah sont faits à partir de bouillie de pomme de terre, de coriandre, d'oignon haché, le tout mis dans une feuille de «dioul» achetée par paquets à l'épicerie du coin. L'odeur de friture est forte dans ces ruelles jouxtant les grands magasins de vêtements, les bazars et autres dépôts d'articles de bonneterie et de confection qui ont depuis longtemps fait la fortune de leurs propriétaires de ce côté-ci de la vieille médina d'Alger. «C'est ça le Ramadhan à La Casbah, c'est cette ambiance et cet affairisme qui font également son charme, son odeur», laisse tomber Ahmed, en passant près d'une table où quelques clients attendent d'être servis. Les rois du système D La rue grouille de monde ; hommes, femmes, jeunes et moins jeunes venus faire des emplettes, des affaires ou tout simplement flâner en zigzagant entre les camelots qui ont conquis le trottoir, elle relie le marché de la Lyre à la place des Martyrs, mais surtout elle est perpendiculaire de Djamaâ Lihoud (synagogue) où tous les négoces battent leur plein. Les rois du système D sont là : vêtements «made in», bibelots, fruits et légumes, plantes médicinales et commerces typiques du Ramadhan, comme ces vendeurs de qalbelouz (à base de semoule), de citrons bien juteux ou cuisiniers en herbe qui passent leur journée à faire des boureks. Dans les ruelles de la Basse Casbah, celles qui donnent sur les grands boulevards de la place des Martyrs ou vers la rue Larbi Ben M'hidi en passant par le marché de la Lyre, tout se vend et s'achète : or, devises, vêtements et, avec le mois de Ramadhan, les fast-food façon casbadji proposent les boureks au thon. Mais, la Basse Casbah se meurt. Ruelles défoncées, envahies par les ordures, trottoirs dégoulinant d'humidité et de moisissures happent le regard du visiteur. Ici, les murs de certains immeubles ont plus de cent ans d'âge. Ils remontent «à l'époque du tramway des années 20», raconte un natif de la vieille médina. «Difficile d'imaginer cette effervescence qui s'empare de La Basse Casbah à chaque Ramadhan, depuis que la ville existe», ajoute-t-il, non sans rappeler qu'à «l'époque, les ruelles au moins étaient propres».