Il fallait s'y attendre, un gouvernement qui a passé son temps à fermer les espaces de liberté, à monopoliser les médias lourds et à opprimer par la force les velléités émancipatrices des Algériens ne peut pas libérer comme cela, par enchantement, une profession sur laquelle il a toujours voulu faire main basse. Le ministre de la Communication, Nacer Mehal, vient de donner la preuve – encore une – qu'il n'y a aucune volonté de libérer l'expression. Les promesses faites par le président Abdelaziz Bouteflika n'étaient en fait que de l'esbroufe, dans un contexte marqué par les révoltes arabes et une scène nationale en ébullition. La dépénalisation du délit de presse ? C'était trop beau pour être vrai. La suppression de toutes les dispositions législatives portant sur la peine d'emprisonnement des journalistes, la corporation y a cru un moment. Au final, c'était un engagement du chef de l'Etat qui s'est avéré être un grand bluff. En effet, à contre-courant de ce qui a été annoncé, le ministre de la Communication vient de produire l'un des projets les plus liberticides de ces dernières années. M. Mehal a introduit dans son projet de code de l'information, qui sera examiné en réunion du gouvernement, des dispositions, le moins que l'on puisse dire, très pernicieuses pour l'exercice même du métier de journaliste. C'est la profession elle-même qui est menacée par ce projet concocté par les services du ministère de la Communication. En réalité, si le texte venait à être adopté, le journaliste n'aurait plus d'autre choix que l'autocensure ou la prison ! L'autocensure parce que – contrairement aux lois en vigueur qui engagent aussi la responsabilité de l'entreprise de presse à travers son directeur de la publication – le journaliste est le seul, sauf dans un cas mentionné dans l'article 128 concernant «les crimes et délits contre la sûreté de l'Etat et l'unité nationale», responsable pénalement de ses écrits. Plus qu'il n'a dépénalisé, le délit de presse, comme tout le monde le souhaitait, le projet de Nacer Mehal plombe le métier en maintenant donc les peines d'emprisonnement et en alourdissant les amendes à l'encontre des journalistes. Pis que cela, le projet en question ferme l'ultime fenêtre sur la liberté en soumettant à autorisation les journaux électroniques. Les médias électroniques se verront appliquer le même régime réglementaire que la presse traditionnelle. Pour lancer un journal électronique, il faudra au préalable demander un agrément. Il a beau se défendre des velléités de museler la presse plus qu'elle ne l'est déjà, comme il l'a fait la semaine dernière sur les colonnes du quotidien El Khabar, le ministre de la Communication, qui dit s'inspirer, en matière de lois régissant le secteur de l'information, des démocraties les plus accomplies, ne convainc personne. C'est une contrevérité : dans les pays démocratiques, il n'y a pas de ministère de la Communication, seules l'éthique et la déontologie régissent le métier de la presse. Déjà assez malmenée en Algérie, la profession, avec ce nouveau projet de code de l'information, court le gros risque de se voir totalement asservie par un régime qui ne s'accommode d'aucun contrepouvoir. Nacer Mehal veut lui porter le coup de grâce en étouffant ce qu'il y a de plus vital dans une rédaction, le journaliste.