Après avoir tenté et réussi dans une large mesure d'étouffer la vie politique dans le pays en fermant l'accès aux médias lourds, en encourageant les dissidences, qu'il suscite parfois au sein des partis, par la fraude électorale et aussi par la force en empêchant toute expression de rue, le régime de Bouteflika veut se donner désormais d'autres moyens pour régenter jusqu'à la vie interne des partis politiques. Nul ne se faisait d'illusion sur les intentions du chef de l'Etat qui annonçait la couleur lors de sa campagne électorale de 2004 en disant tout le mal qu'il pense du pluralisme et de la presse. Personne ne pensait que les choses pouvaient aller un jour aussi loin tant on était convaincus que le choix de la démocratie était irréversible. Un éternel acquis ! Mais voilà que les choses vont de mal en pis pour l'espoir démocratique dans le pays. Le ministre de l'Intérieur, Daho Ould Kablia, a introduit plusieurs dispositions dans le projet de loi sur les partis qui mettent à mal le pluralisme, déjà assez fragilisé par un despotisme qui ne dit pas son nom. Le plus insidieux et dangereux dans le projet du ministère de l'Intérieur est bien évidemment l'article 49 qui permet à l'administration d'avoir un autre levier de pression sur l'opposition. Sa teneur, qui parle d'alternance et de limitation des mandats aux responsabilités au sein d'une formation politique, lui permet de manœuvrer pour déstabiliser les partis qui dérangent. Les exemples en la matière sont légion. Le régime a bien actionné des dissidences pour casser la classe politique. Pour régression, le projet de Ould Kablia, c'en est vraiment une. Le ministère de l'Intérieur veut avoir le bras long en durcissant la procédure de l'octroi d'agrément aux partis politiques, en maintenant par ailleurs beaucoup d'ambiguïté autour des dispositions qui peuvent édicter la décision de leur dissolution. Le projet de texte est très bureaucratique : il offre, par certaines dispositions, à l'administration la possibilité de mettre les verrous et les obstacles qu'il faut pour la mise en place d'un projet politique. C'est ce qu'elle a toujours fait jusque-là. En réalité, la loi sur les partis, en vigueur, n'a jamais été un problème pour l'exercice de la politique dans le pays. C'est le pouvoir qui en fait l'usage et qui a empêché toute pratique saine de la politique. Il a déployé toutes ses forces, au mépris des lois qu'il a lui-même élaborées, pour venir à bout de l'espérance démocratique, et coincé le pays dans une impasse avant d'effectuer une marche à contre- courant des révolutions qui ont lieu dans le monde arabe. Si les articles, qui suscitent déjà des craintes au sein de la classe politique, ne sont pas amendés, c'est la voie ouverte à toutes les dérives d'un pouvoir qui veut se perpétuer en écrasant tout sur son passage.