Les plus optimistes estiment que l'Aïd El Fitr, prévu à la fin de ce mois, sera célébré sans Mouamar El Gueddafi qui gouverne la Libye depuis 42 ans. Leur analyse s'appuie sur l'avancée spectaculaire des rebelles vers Tripoli, capitale du pays, dernier bastion d'El Gueddafi, sa famille et ses milices. Les pessimistes préfèrent tempérer car les batailles des villes ont de tout temps été compliquées et dures à mener. «Cela peut prendre une semaine et même plus», a prévenu un expert militaire interviewé par Al Jazeera. Il a évoqué le principe de «l'idiotie militaire» que pourrait appliquer le guide libyen. N'a-t-il pas promis, au début de l'insurrection, le 17 février 2011, de brûler toute la Libye pour ne pas la laisser aux «rats» ? Le tyran de Tripoli, qui n'a pas hésité par le passé à étrangler ses opposants et à ordonner la destruction d'avions civils, pourrait, selon des spécialistes militaires, miner toute la ville de Tripoli. Il fera comme l'empereur romain Lucius Domitius Néron qui avait commandité, et même célébré, l'incendie de Rome en l'an 64 de l'ère chrétienne. Néron voulait construire une nouvelle ville sur les décombres et se venger des chrétiens. Mouamar El Gueddafi, grand acheteur d'armes pendant ses quarante ans de règne, possède encore un impressionnant arsenal qui peut être utilisé à tout moment. En mai 2011, Franco Frattini, ministre italien des Affaires étrangères, a déclaré que l'OTAN a détruit 40 à 50% de l'arsenal militaire de Mouammar El Gueddafi. «El Gueddafi ne pourra plus acheter des armes», a assuré de son côté Anders Fogh Rasmussen, secrétaire général de l'OTAN. La tentation du pire Cependant, le maître de Tripoli, qui se présente comme «le roi des rois de l'Afrique», a des relations étroites avec des «rebelles» africains et des marchands d'armes qui peuvent lui en fournir à tout moment à travers les frontières poreuses du Sud. Surtout que tout l'argent d'El Gueddafi n'est pas en banques avec le risque d'être gelé en application de la résolution 1973 du Conseil de sécurité de l'ONU. L'arsenal d'El Gueddafi est composé d'armements russe et français, allemand et italien. La France a, par exemple, vendu des armes légères, des missiles et du matériel de transmission. Dans sa guerre contre les rebelles et le peuple libyen, El Gueddafi a-t-il utilisé toutes les armes en sa possession ? Des spécialistes en doutent. Selon eux, le régime de Tripoli maîtrise des stocks importants de missiles balistiques russes de type Scud B. La Libye a, comme l'Irak, développé ses propres missiles à partir du modèle russe. La puissance de feu des Scud B est redoutable. Mobiles et faciles à transporter, ces missiles sont connus pour avoir une large zone d'impact avec une portée pouvant atteindre les 800 km. Cela compense leur manque de précision. Les forces pro-El Gueddafi ont tiré la semaine écoulée un Scud B sur la ville de Brega, contrôlée partiellement par les rebelles. Une manière de montrer que «tout n'a pas été dit» dans la guerre. Une guerre qui semble entamer sa dernière ligne droite. El Gueddafi, qui a négocié avec des émissaires américains l'évacuation d'une partie de sa famille hors du pays, veut rester au pouvoir jusqu'au dernier moment. Il utilisera tous les moyens y compris l'armement non conventionnel. Les pays voisins, comme l'Algérie, se sont-ils préparés à cette éventualité ? Ont-ils étudié cette situation ? Il n'y a pas encore de réponses à ces questions.