Même si la sentence est lourde, le mandat d'arrêt délivré lundi 27 juin par la Cour pénale internationale (CPI) à l'encontre du colonel El Gueddafi, de son fils aîné Seif El Islam et du chef des services de renseignements du régime de Tripoli, Abdallah Senoussi, ne devrait pas changer grand-chose à la donne libyenne. Cela, du moins, pas tant que le dirigeant libyen a encore les moyens d'entretenir son armée et de tenir tête aux insurgés. Autre détail : ne disposant d'aucune force de police contraignante, la CPI n'a aucun moyen de mettre la main sur Mouammar El Gueddafi. Si, par ailleurs, elle a compétence en Libye en vertu de la résolution du Conseil de sécurité de l'ONU, les autorités libyennes contestent cette décision n'ayant pas ratifié le Statut de Rome, traité fondateur de la CPI. Eu égard à ce constat, il est possible que le Conseil de sécurité de l'ONU prenne le relais de la CPI et décide de délivrer un mandat qui autorise clairement l'OTAN d'arrêter le «guide libyen». Dans le contexte actuel et eu égard notamment à l'opposition de la Chine et de la Russie, il est toutefois peu probable qu'un tel scénario se produise. Le gouvernement libyen – fait très prévisible du reste – s'est d'ailleurs empressé, hier, de rejeter le mandat d'arrêt de la CPI. «Les accusations de la dite CPI sont mensongères et trompeuses», a indiqué le gouvernement libyen dans un communiqué. Argument avancé : le colonel El Gueddafi et son fils Seïf El Islam n'ont pas de postes officiels et n'ont aucune relation avec les «allégations» citées par la Cour. Mais quoiqu'il en soit, le mandat de la CPI a pour effet immédiat de mettre davantage la pression sur le guide libyen et d'accentuer son isolement au double plan régional et international. En réalité, le mandat d'arrêt international de la CPI paraît surtout s'insérer dans l'arsenal de pressions politiques déployé pour précipiter son départ. C'est, du moins, l'idée soutenue par de nombreux observateurs. Et le fait que, théoriquement, le colonel El Gueddafi peut être arrêté à tout moment peut contribuer à le fragiliser et, surtout, à persuader son entourage immédiat de ne pas le suivre dans sa logique suicidaire sous peine de subir le même sort. Se rendre ou mourir A ce propos, on peut penser que les Occidentaux, en actionnant la CPI, espèrent provoquer davantage de défections à Tripoli et pousser les plus fidèles d'entre les fidèles au clan El Gueddafi de faire le travail eux-mêmes, c'est-à-dire livrer le colonel Mouammar El Gueddafi à la justice internationale en contrepartie d'une immunité. C'est probablement sous cet angle qu'il y a lieu de comprendre la déclaration du procureur de la CPI, Luis Moreno-Ocampo, lorsqu'il a insisté, hier, sur l'idée que «le cercle rapproché de Mouammar El Gueddafi peut faire partie de la solution». Concrètement, M. Moreno-Ocampo ne fait rien d'autre que d'appeler ces «proches» à exécuter eux-mêmes le mandat d'arrêt pour crimes contre l'humanité délivré lundi à l'encontre d'El Gueddafi. Bref, nous sommes là face à ce qui pourrait s'apparenter une véritable vente concomitante. Le mandat d'arrêt délivré par la CPI ferme-t-il maintenant la porte à un règlement politique en Libye ? Pas vraiment. S'il est juste de dire que l'institution dirigée par Luis Moreno-Ocampo contribue depuis lundi à pousser le régime libyen dans ses derniers retranchements et probablement aussi à renforcer la détermination d'El Gueddafi à ne pas quitter la Libye et à lutter jusqu'au bout, ceci n'empêche pas les négociations de se poursuivre. Le vocable «négociations» paraît peut-être un peu exagéré puisqu'El Gueddafi et sa famille n'ont d'autre choix que d'accepter l'exil ou mourir. L'étau s'est, aujourd'hui, tellement resserré autour d'eux que même l'Union africaine – qui doit se réunir jeudi à Malabo pour traiter de leur cas – ne semble plus en mesure de faire quelque chose pour eux. Il est utile d'ailleurs de rappeler qu'El Gueddafi est maintenant «lâché» par de nombreux de ses anciens alliés. Il faut se rendre à l'évidence : l'enjeu, maintenant, est la Libye qui va se construire demain.