Depuis que les villes libyennes tombent les unes après les autres, la chute du régime du colonel El Gueddafi a cessé d'être un objectif éloigné pour devenir une réalité chaque jour plus proche. Le Conseil national de transition (CNT) a même fixé un délai, celui de la fin du mois de Ramadhan. Ses prévisions se sont avérées fondées, puisque la rébellion est entrée dans Tripoli, sans toutefois que l'on sache avec exactitude, si elle s'est emparée de la totalité de la capitale qui a une valeur hautement symbolique. Il en est même parmi les membres de l'OTAN qui ont annoncé la fin du régime libyen. C'est le cas, dès lundi matin, du ministre français de la Défense. Le ministre français de la Défense, Gérard Longuet, qui affirmait que le régime d'El Gueddafi «est tombé» et que «le basculement est total» à Tripoli. Le même jour, le président du CNT indiquait que Seif El Islam, le fils d'El Gueddafi, était détenu et qu'il allait «être interrogé par les autorités judiciaires». «Il est dans un lieu sûr sous garde renforcée en attendant qu'il soit déféré à la justice», avait-il indiqué, persuadé que cela était incontestable, tout en démentant l'information faisant état de négociations avec la Cour pénale internationale (CPI). «Des arrangements sont en cours pour un contact avec la CPI, mais ce contact n'a pas encore eu lieu », a jouté M. Abdeljalil. Un démenti partiel, puisque le porte-parole du CPI, Fadi El Abdallah, avait fait état de discussions avec le CNT pour un transfert du fils d'El Gueddafi, dont l'arrestation à Tripoli a été annoncée dimanche par la rébellion et confirmée plus tard par le procureur de la Cour, Luis Moreno-Ocampo, sur la foi d'«informations confidentielles». Mais c'est Seif El Islam qui a démenti dans la nuit par sa présence cette information. «Je suis là pour démentir les mensonges», a-t-il déclaré à des journalistes emmenés à bord d'une voiture blindée à Bab Al Aziziya. Il a aussi affirmé que son père se trouve toujours à Tripoli. «El Gueddafi et toute la famille sont à Tripoli», a-t-il dit après être passé avant l'aube à l'hôtel Rixos à Tripoli, où sont logés les journalistes étrangers. Bien entendu, il n'a pas précisé le lieu exact où le dirigeant libyen se trouve. Quelques heures, plus tard, la CPI affirmait qu'elle n'a «jamais» eu la confirmation de l'arrestation de Seif El Islam. Qu'a-t-il bien pu se passer pour que des informations de cette importance n'aient pas le moindre fondement ? Les stratèges de l'OTAN ont bien mis en cause l'absence de renseignement, sinon son manque de fiabilité pour expliquer la durée jugée longue de l'engagement de l'Alliance. Mais cette fois, il s'agit d'informations, et leur qualité qui amène à chercher chaque fois leur confirmation semble avoir surpris les alliés du CNT. Hier matin, le chef de la diplomatie française reconnaissait que la victoire de la rébellion «n'est pas complète», tandis que le vice-Premier ministre britannique estimait que «ce n'est qu'une question de temps avant que le régime libyen soit défait et que la Libye soit complètement libre». En temps de guerre, le renseignement est précieux, il est même déterminant pour ceux qui sont appelés à la mener. L'information concerne l'opinion quant à elle. Il se trouve dans le cas libyen, que ceux qui font l'opinion en dépendent. Une simple erreur d'appréciation peut être tolérée, mais un démenti est déjà mal vu. Lors de leur première intifadha en 1988, les Palestiniens avaient justement misé sur l'information. Toujours fiable, et aucun bilan n'était faux ou exagéré. Tout était vérifiable. Cela aussi fait partie de la guerre, même s'il faut tout faire pour abattre l'ennemi psychologiquement.