Les contrats de plusieurs centaines (entre 1800 et 2400) de salariés du consortium japonais Cojaal, chargé de la réalisation du tronçon est de l'autoroute Est-Ouest ne seront pas reconduits faute de ressources financières. L'entreprise a déjà mis des centaines d'employés en congé d'office… Entre 1800 et 2400 employés du consortium japonais Cojaal, qui assure la réalisation du tronçon est de l'autoroute, se retrouveront au chômage dès la fin des mois de septembre, octobre et novembre prochains. Leur employeur a décidé de ne plus reconduire leurs contrats de travail, faute de moyens financiers. C'est ce qu'a annoncé le premier responsable de l'entreprise japonaise dans un courrier adressé, le 21 août dernier au directeur général de l'Agence nationale des autoroutes (ANA). Dans cette lettre, Cojaal fait état d'un «manque de fonds pour le projet» qui a engendré en début du mois d'août la mise en congé d'une partie des employés locaux auxquels la société «assure le salaire». Néanmoins, «aujourd'hui, nous avons le regret de porter à votre connaissance que nous sommes dans l'incapacité de renouveler les contrats des employés locaux qui expirent dans les mois à venir», écrit le directeur général du projet. Il précise à la fin que son entreprise «coopérera» avec l'ANA pour «faire mieux et améliorer la situation dans les meilleurs délais possibles». Hier, tous nos efforts de prise de contact avec les responsables de l'ANA et du ministère des Travaux publics se sont avérés vains. Ils étaient inscrits sur la liste des abonnés absents. Pour leur part, les patrons de Cojaal se sont abstenus de toute déclaration à la presse respectant «leur engagement de ne pas répondre aux questions des journalistes». En fait, la correspondance que le consortium japonais vient d'envoyer au DG de l'ANA ne fait que confirmer les graves problèmes financiers auxquels il est confronté depuis la fin de l'année 2010. Une crise que certaines sources proches de la direction imputent au «non-paiement» de la facture de réalisation estimée à 91 milliards de dinars et une autre liée aux travaux supplémentaires d'un montant de 30 milliards de dinars. En tout, l'ardoise atteint près de 1,119 milliard de dollars que les Japonais peinent à récupérer. Ce qui a mis l'entreprise dans une situation très critique avec pour conséquence le ralentissement des travaux de réalisation du tronçon reliant Constantine à la frontière tunisienne, dont ils ont la charge, mais également, et ce, depuis le début du mois en cours, la réduction drastique du personnel local. Des centaines d'employés sont déjà mis en congé d'office alors que d'autres se sont vus signifier la non-reconduction de leur contrat de travail. Au mois de décembre 2010, le ministère des Travaux publics avait reconnu un retard de paiement d'une facture de 300 millions d'euros, tout en assurant son règlement «incessant». Des mois plus tard, la situation n'a pas évolué. Pour faire face au déséquilibre financier engendré, le consortium a injecté 30% du montant du marché, puis l'équivalent de 88 milliards de dinars, puisés de ses fonds propres sans pour autant sortir de la zone rouge. D'importants retards sont alors enregistrés dans la réalisation aggravés par des problèmes d'ordre technique liés, expliquent des sources proches des Japonais, «à des glissements de terrain, de matériaux de remblais à utiliser en zone inondable, la prise en charge des travaux supplémentaires non prévus sur le marché initial tels que les échangeurs, les barrières et les multitubulaires, difficultés de dédouanement de matériels et matériaux importés du Japon, entraves empêchant le développement rapide des travaux d'où le dépassement des délais de réalisation. Or, pour parachever ce tracé de 400 km au plus vite, on doit prendre tous les règlements en retard de paiement ainsi que le paiement des travaux supplémentaires qui n'étaient pas prévus dans le contrat et qui s'élève à 30 milliards de dinars». Ce que le représentant du ministère des Travaux publics avait reconnu, à l'époque, en affirmant à notre journal que le ralentissement constaté «est dû aux problèmes liés à la nature géologique de la région», précisant : «Le retard ne concerne pas la réalisation de l'autoroute, dont les travaux ont été totalement payés. Il est lié plutôt au rajout de 16 ouvrages d'art, 5 rétablissements, 9 dédoublements qui n'étaient pas prévus dans l'étude initiale. Ils ont nécessité une nouvelle procédure administrative. Ce qui a quelque peu retardé le règlement de la situation.» A la fin du mois de mars dernier, Amar Ghoul revient à la charge en niant publiquement tout contentieux financier avec Cojaal, qu'il menace d'une résiliation de contrat dans le cas où il ne rattrape pas le retard. Selon lui, «la réaction des Japonais intervient, peut-être, suite à une mise en demeure qui leur a été adressée par l'ANA. C'est une mise en demeure pour non-respect des délais (…) C'est vrai que la région connaît des difficultés naturelles et géologiques. On est compréhensif. Mais ils doivent strictement respecter les délais. L'ANA a déjà notifié aux Japonais la nécessité de respecter leur engagement. Faute de quoi, elle va résilier le contrat avec eux. C'est la dernière mise en demeure. Le contrat est clair : en cas de non-respect des délais, il y aura résiliation de contrat». Il va plus loin en soulignant : «L'Algérie a donné tous les gages de sérieux et de bonne intention, en prolongeant les délais de livraison du fait des difficultés liées notamment à la nature géologique du terrain, mais il a été constaté par la suite que les moyens humains et matériels du consortium sont en deçà des engagements pris par Cojaal. Pour cela, l'ANA a adressé une dernière mise en demeure à Cojaal, faute de quoi, elle procédera à la résiliation du contrat comme cela est prévu.» Il ajoute : «Toutes les factures présentées par Cojaal ont été payées. Les paiements se font au prorata de l'avancée du projet. Cojaal s'est engagé par écrit de terminer la réalisation des 125 km durant l'été 2011.» Force est de constater que les deux parties se renvoient la balle pour dégager toute responsabilité dans le non-achèvement dans les délais du dernier tronçon. Et entre les deux, plus d'un millier d'employés vont grossir les rangs des chômeurs d'ici le mois de novembre prochain.