En dépit des moyens de plus en plus importants mis en place pour venir à bout de la criminalité urbaine, les statistiques de la police dévoilent une hausse inquiétante de ce phénomène. La petite et la moyenne délinquances constituent plus de 80% de la criminalité urbaine, en tête, les atteintes avec violence. Si le terrorisme a sensiblement reculé dans les grandes villes du pays, la criminalité, pour sa part, ne cesse de prendre de l'ampleur, faisant de nombreux quartiers des zones de non-droit, où s'y aventurer peut coûter la vie aux plus avertis. Certaines zones sont d'ailleurs le théâtre de batailles rangées de gangs dotés d'armes blanches qui sèment la terreur parmi la population. Même en deçà de la réalité, les bilans des activités des services de police dans les grands centres urbains, au niveau du territoire national, sont révélateurs d'une situation des plus inquiétantes. Ainsi, rien que pour le premier semestre de 2011, la Sûreté nationale a enregistré 56 778 affaires, alors que durant l'année 2010, le bilan a atteint 129 775 affaires. Les atteintes aux personnes, à savoir les agressions avec ou sans armes prohibées, occupent la première place avec 30 376 en 2011 et 69 446 en 2010. Ces affaires ont impliqué 35 894 personnes durant les six premiers mois de 2011, alors qu'en 2010, elles ont engendré la présentation à la justice de 49 849 personnes. Si les spécialistes expliquent ces chiffres par l'insuffisance des moyens mis en œuvre pour lutter contre la violence urbaine, les policiers font une autre lecture totalement opposée à la première. «Il faut voir les chiffres sous un autre angle. La catégorie des infractions la plus importante est la petite criminalité contre laquelle tous nos efforts sont consentis. L'augmentation des affaires constatées veut dire en fait une hausse des affaires élucidées. De nombreuses affaires ont été traitées sur initiative des services de la police judiciaire. C'est le cas des agressions avec violence. Les opérations de vérification et d'interpellation décidées par les agents ont permis de récupérer de nombreuses armes blanches et mêmes quelques armes à feu utilisées dans les atteintes aux personnes. En fait, les cas enregistrés ont été en majorité découverts grâce aux activités répressives de la police. Ce qui veut dire que la lutte donne des résultats assez importants sur le terrain», révèle un divisionnaire de la police. Ce dernier reconnaît néanmoins la prolifération de gangs organisés à travers certaines villes du pays, tout en relativisant leur importance ou leur dangerosité. «Avec l'implication réelle et une prise de conscience collective, les gangs armés peuvent être facilement neutralisés par les forces de sécurité. La lutte contre la criminalité est l'affaire de tous, par uniquement de la police», conclut notre interlocuteur. Mais sur le terrain, ce citoyen que les services de lutte sollicitent se plaint justement de «l'absence» et parfois du «laxisme» de ces derniers. Les agressions avec violence, les vols à la sauvette et les casses de magasins ou de maisons en plein jour et dans de nombreuses quartiers des grands centres urbains constituent, selon lui, «une preuve flagrante de l'incapacité des services de sécurité à occuper le terrain pour contenir la criminalité. Conséquence, les jeunes préfèrent s'armer d'un couteau ou d'un sabre pour se défendre que de compter sur la police ou la gendarmerie. Le nombre des armes prohibées saisies est effarant. Il est révélateur de cette tendance lourde à l'autodéfense. Ce qui constitue une nouvelle menace», déclare Mohamed, un quadragénaire, habitant le quartier La Carrière situé sur les hauteurs de Bab El Oued, à Alger. Pour lui, les affrontements opposant régulièrement des groupes de jeunes à des policiers depuis plus d'une année «illustrent parfaitement l'inaction de l'Etat devant un phénomène qui gangrène la société». Cette situation n'est pas propre à Alger et concerne toutes les grandes villes du pays (voir les reportages de nos correspondants). De Tizi Ouzou à Annaba, d'Oran à Constantine, de Blida à Ouargla, la criminalité se nourrit non seulement de l'exclusion et de la pauvreté, mais également de la faiblesse des structures chargées de la prévention et de la lutte.