Les déclarations du gouvernement sur la «quasi-inexistence de pauvreté dans notre pays» sont contredites par une réalité perceptible et exaspérante. Le chômage a ruiné une grande partie des foyers algériens. Faute de pouvoir subvenir aux besoins de leurs familles, les parents finissent par rompre définitivement ou momentanément. Sid Ali, la quarantaine, est sans emploi. Il est contraint de vivre une vie conjugale à distance car il n'a pas les moyens de payer un loyer. Lui et sa femme habitent chacun chez ses parents et ne se voient que durant la journée. L'épouse garde les deux enfants. Pire, la cherté de la vie et le pouvoir d'achat dégradé ont compliqué la vie même aux travailleurs. Toutes les contestations sociales depuis plusieurs mois ont posé le problème des «salaires de misère». La paie, en effet, ne couvre pas les frais d'un mois pour plusieurs salariés, d'où la débrouillardise de ces gens modestes pour gagner quelques sous en plus. Les alternatives qui se présentent sont souvent le commerce informel et les taxis clandestins. Par ailleurs, durant toute l'année, des «chercheurs d'or» dévalisent les poubelles de la capitale, juste avant le passage des camions de ramassage d'ordures. Les agents de Netcom sont aussi concernés par la fouille des poubelles en cherchant des objets intéressants, jetés par les «riches». «Nous fouillons les sacs-poubelles pour récupérer le pain. En même temps, on récupère quelques objets et vêtements encore utilisables», indique un agent de nettoyage au niveau de la rue Larbi Ben M'hidi. Pour certains «clochards», une poubelle est tout simplement la seule source de nourriture. L'un de ces pauvres humains, portant un gros sac sur le dos, est un habitué de la rue Tanger et de ses poubelles. Il se ravitaille en pain, en lait et en fruits, sans se soucier des ravages que pourraient engendrer ces poisons sur sa santé. En ce mois de Ramadhan, à l'heure du f'tour, les restaurants Rahma sont envahis par les SDF, les mendiants, mais aussi par des familles démunies. Le couffin de Ramadhan n'a pas été distribué pour tous les pauvres et si c'est le cas il n'est pas suffisant. Les nuits ramadhanesques à Alger sont animées par plusieurs activités culturelles et sportives. Le Tout-Alger est dehors. Cela est vu comme une occasion parfaite par les dizaines de mendiants, déployés sur toutes les ruelles d'Alger. A titre d'exemple, la rue Didouche Mourad contient une vingtaine de mendiants. Ces demandeurs de charité restent toute la nuit à terre, en suppliant les passants, pas tous compréhensifs. «Vous avez de l'argent plus que moi», disent-ils parfois. Majoritairement des femmes, les mendiants de Ramadhan ne le sont pas tous durant le reste de l'année. Les difficultés sociales et le déficit financier de certaines familles devant l'hyperconsommation et la mercuriale de ce mois de «rahma» poussent certaines femmes à la rue. Quelques minutes après le rupture du jeûne, à la place Audin, une mère est assise à même le sol à côté de ses trois enfants, endormis sur du carton. «Mes frères, aidez-moi. Je n'ai pas de quoi les nourrir», crie-t-elle. Il y en a dans cet état presque dix mendiantes, ce soir-là. Au niveau du quartier populaire de l'ex-Meissonier, c'est une autre sorte de mendicité qui prolifère. Des femmes et des hommes, accompagnés d'enfants handicapés, demandent des aides financières pour soigner et nourrir leur progéniture invalide. Tunique noire et voile mal ajusté, une femme implore les passants, finissant laborieusement les courses, d'aider son fils qui a perdu les deux jambes à la naissance. «Si ça continue comme ça, tout le monde se convertira à la mendicité. Bien que moi-même et mon mari travaillons durement, nous avons du mal à finir le mois sans endettements», lâche Malika, jeune fonctionnaire dans une entreprise publique. Et dire que certains ministres continuent à affirmer qu'il n'y a pas de pauvres en Algérie ! Quelle Algérie ?