La Mendiante d'Ali Lahrech est un récit rétrospectif où le passé, alourdi par les tribulations d'une mendiante pas comme les autres, pèse vigoureusement sur l'instant présent qui a éclos d'une rencontre fructueuse, mais aussi mélodramatique avec un personnage qui s'appelle Khalil, gardien de phare de son état. Le roman d'Ali Lahrech, psychiatre de métier, part d'un état final, et au fil du récit, nous fait découvrir les soubresauts d'une mendiante percée d'une identité mise sur un piédestal de symbolique où l'éloge des qualités humaines, physiques et morales, la beauté, le sublime, la fierté… frôlent les limites du réel. En quête interminable de la liberté et pour donner un sens de dignité à sa vie bafouée par la bêtise humaine, une jeune femme, Maria, musicologue de formation, se trouve en pleine rue, accompagnée de son garçon, Islam, alors âgé de quatre ans, à faire dignement de la mendicité. Un calepin que noircissait la mendiante, avec tact et d'un geste pesé, happe le regard de Khalil. C'est alors qu'il décide d'opérer une brèche dans son monde, mais celle-ci n'obtempère guère à cette incursion illégitime que Khalil incarne intrinsèquement, ne serait-ce que pour une journée, la mendicité. Un point névralgique, un instant infini où à la fois agent et patient, Maria, un personnage qui fait et défait son monde mais en même temps en subit ses affres d'où s'abreuve la soif de Khalil avec ses mille et une interrogations d'ordre épistémologique. Une famille massacrée par les phalanges du GIA, une jeune fille, alors âgée de 20 ans, est violée par une bête immonde au maquis, un énième viol s'ensuit par, cette fois-ci, une bête domestique dans une famille d'accueil, le sort de Maria est scellé. A travers le miroir de La Mendiante, Khalil livre une vision d'un monde meilleur, fait l'éloge des valeurs universelles. Le narrateur, en même temps lecteur, ouvre des espaces dilatoires non pas pour décélérer la cadence du récit, mais pour nous décrire un espace où le décor et les personnages se fusionnent dans un bouillonnement syncrétique et nous font passer d'un niveau de lecture à un autre niveau de sémantique où dans l'enchevêtrement des drames tout retentit sur tout. Les lieux, la toponymie, les faits, la patronymie qu'évoque le narrateur ne sont pas gratuits. Ils mettent en exergue un paradoxe qui enflamme les fins fonds du narrateur.