La Mendiante d'Ali Lahrech est un premier roman lyrique et aérien, oscillant entre le fantasme et la réalité. Ce texte qui se rapproche plus du genre du récit que du roman est une réflexion sur l'expérience de la liberté. S'il nous signifie que le bien et le mal coexistent depuis la nuit des temps en l'Homme, l'auteur prend son temps à l'intérieur de son texte pour réfléchir sur le devenir d'êtres éprouvés par le passé, et placés — malgré eux — dans un contexte d'une extrême violence. Un exercice cathartique qui permet à Ali Lahrech, psychiatre de formation, d'explorer l'esprit humain et la manière qu'il a d'intérioriser de douloureuses expériences… mais qui remontrent à la surface au moment où l'on s'y attend le moins. La Mendiante, c'est l'histoire d'un homme qui aperçoit une mendiante en train d'écrire sur un petit cahier. La foule semble indifférente à cette vision. Mais la femme note, consigne, transcrit… Avec son fils à ses côtés, elle est absorbée par son texte. L'homme en question, prénommé Khalil, est bouleversé par cette vision. Il est intrigué, fasciné, envoûté ; il veut en savoir plus. Khalil n'a qu'une seule idée en tête : lire ce qu'il y a d'écrit dans le cahier, mais la mendiante, Maria, émet une condition : pour lui dévoiler ses trésors, il faut qu'il expérimente la mendicité pour une journée. Khalil accepte cette étrange proposition et découvrira alors la liberté. Mais l'expérience de la liberté est comme celle de la mort : on ne peut la vivre qu'une seule fois. Se dépouillant de tout, Khalil qui vivait avec un sentiment de vide, entrevoit enfin l'entrée du tunnel qui le mènera à l'exaltation, l'extase. Il lit les confessions de Maria et découvre qu'elle est une victime de la décennie noire, qu'elle a vu sa famille massacrée, qu'elle a été enlevée, violentée et violée, que sa vie a perdu tout son sens, que son fils, Islem, était son seul espoir. Le roman d'Ali Lahrech — dont les revenus, du premier tirage, iront à l'association, les Roses de l'espoir, de Blida — est, à bien des égards, mystique, notamment dans sa thématique portant sur le renoncement au monde, et la quête d'absolu. La Mendiante qui manque d'action est traversé par quelques moments difficiles car Ali Lahrech réfléchit trop et nous n'avons accès aux personnages qui manquent d'épaisseur, que par ce qu'ils veulent bien nous livrer. L'auteur est dans l'analyse et non dans la construction d'une fiction. S'il n'échappe pas aux petites imperfections des premières fois, Ali Lahrech affiche un large éventail d'influences qui vont d'Albert Camus (recherche de l'exil, absurdité du début où le narrateur dialogue avec la foule), aux poètes soufis. La Mendiante se laisse lire et nous rappelle quelque chose de vraiment important : on ne connaît la liberté que lorsqu'on a tout perdu ! S. K La Mendiante d'Ali Lahrech, roman, 256 pages, éditions Dar Abdellatif. 500 DA.