On attendait du printemps arabe une bonne relance du cinéma. Incontestablement, au Festival de Toronto, cette attente s'est concrétisée par la sélection de douze films produits au Maroc, Algérie,Tunisie, Egypte, Liban, Palestine, Irak, Qatar et même en France... Toronto (Canada) De notre envoyé spécial Au Festival de Toronto, on a comme l'impression que les choses bougent dans le cinéma arabe et qu'une intense activité de production est en cours. Les projets, pour la plupart, prennent naissance avec l'aide des pays du Golfe, aux Festivals de Doha, Abu Dhabi et Dubai. Il y a là un esprit ouvert, un élan d'entreprise culturelle et il y a, surtout, beaucoup d'argent. Résultat visible au Festival de Toronto : le riche programme de films arabes sélectionnés par Piers Handling et son équipe risque même de battre le géant cinéma indien au niveau du nombre. Douze films d'un coup, alors qu'à Cannes et Berlin il y en avait si peu. Du Maroc, Ayadin Khachina (mains rudes) de Mohamed Asli qui a fait Casablanca les anges ne volent plus, et Death for sale (mort à vendre) de Fawzi Bensaïdi. De Tunisie, Always Brando de Ridha Behi. D'Egypte, Tahrir 2011, The good, the bad and the politician signés par trois cinéastes Tamer Ezzat, Aytem Amin et Amr Salama. De Palestine, Derniers jours à Jérusalem de Tawfik Abu Wael et Habibi de Susan Youssef. Du Liban/Qatar, La montagne de Ghassan Salhab et Maintenant où on va ? de Nadine Labaki. D'Irak, Dans les bras de ma mère, de Atia et Mohamed Al Daradji. De France, Omar m'a tuer de Roshdy Zem et Les Hommes Libres, d'Ismaïl Ferroukhi. Sans compter, Le Premier Homme, coproduit par l'Algérie. Chroniques de Casablanca Casablanca enchaîne chaque année des chroniques au cinéma. Les sujets ne manquent pas. La débrouille, la corruption, le trafic en tous genres sont au cœur du film de Mohamed Asli. Vivre à Casa, ce n'est pas une partie de plaisir pour certains. Il s'agit plutôt de survivre. Scène après scène, Asli nous montre qu'il y a des Casablancais fort malins qui réussissent. Comme ce coiffeur nommé Mustapha, autant sympathique que serviable et qui a le bras long dans l'administration, la douane, la police. Moyennant quelques milliers de dirhams, il règle tous les problèmes des gens de son quartier. Il sait à quelle porte frapper : d'anciens ministres, patrons de douane et commissaires de police sont ses fidèles clients. En règle générale, pour aller en Espagne, il faut un visa. Pour Zakia, Mustapha aplanit les obstacles. Il en reste un seul, difficile : pour la cueillette des fraises espagnoles, on demande des mains d'ouvrières, des mains rudes. Zakia ne passe pas le test, c'est une institutrice. Adieu le rêve espagnol, Un autre destin l'attend à Casablanca et peut-être une autre aventure...Comédie douce-amère. Zakia n en fait pas un drame. Ismaïl Ferroukhi, qui a fait le Grand Voyage, réalise cette fois avec Les Hommes Libres un très beau film qui n ‘échappera pas, après Toronto, aux festivals où il est certain qu'il remportera des prix. L'histoire se déroule à Paris entre 1942 et 1944. Un jeune Algérien Youcef, interprété par le génial Tahar Rahim, survit grâce à des combines de marché noir. Il veut gagner beaucoup d'argent et retourner au pays. Il est arrêté par une patrouille de l'armée d'occupation allemande et relaché à condition qu'il collabore en allant espionner la Mosquée de Paris. Cette Mosquée est devenue le refuge de résistants de tous bords, de femmes militantes communistes, de juifs français fuyant les rafles nazies. Ce film est basé sur des faits réels. La Mosquée de Paris a hébergé et sauvé de la mort des citoyens juifs persécutés par les Allemands, avec le soutien et la solidarité de la communauté maghrébine de Paris, elle-même engagée dans le combat contre le fascisme. Des hommes libres Le grand recteur de la Mosquée s'appelait Si Kaddour Ben Ghabrit. C'est l'acteur phénoménal Michael Lonsdale qui interpréte le personnage dans le film. Le recteur faisait semblant de collaborer avec les Allemands à la seule fin de protéger les résistants cachés dans la Mosquée.Comme Salim Halali ( remarquable acteur dans ce rôle: Mahmoud Shalaby). C'est un jeune et très beau chanteur juif arabe qui se faisait passer pour musulman avec la complicité du recteur. Devant cette situation, le jeune Younès prend conscience de ce qui se passe et s'engage à son tour dans le combat pour la liberté. L'actrice Lubna Azabal joue ici avec force le rôle d'une militante du parti communiste algérien. Une fabuleuse bande musicale (avec des airs d ‘Abdelwahab) baigne cette œuvre digne de tous les éloges et dont on imagine déjà le triomphe devant le public du Maghreb.