Quelque 650 personnes dont 400 victimes d'actes terroristes originaires de plus de 35 pays» seront accueillies à Paris pour témoigner «en toute neutralité politique et religieuse», et assister aux cérémonies officielles en présence de chefs d'Etat et de gouvernement, de plusieurs ministres et de personnalités royales, annoncent les organisateurs du congrès qui se tient à l'Ecole militaire de Paris les 15, 16 et 17 de ce mois. Paris De notre correspondante Et c'est cette «neutralité» qui a soulevé nombre d'interrogations et de réactions ces derniers mois. «Les objectifs de cet événement majeur des victimes du terrorisme du monde entier sont de les aider à exprimer leurs opinions et à avoir la reconnaissance qu'elles méritent, à la fois de la part de la société civile et des autorités politiques», soulignent les organisateurs, soit l'Association française des victimes du terrorisme, membre du Réseau européen des victimes du terrorisme (NAVT), en partenariat avec L'Observatorio internacional victimas del terrorismo (CEU). «Ce congrès est-il neutre, d'abord dans la définition qu'il retient du terrorisme et dans le choix des victimes qui seront présentes ?», se sont interrogées des organisations françaises et algériennes de victimes et des médias comme le Monde diplomatique (édition de septembre) et le directeur sur son blog (courant juillet) ? Mme Saïda Benhabylès, secrétaire générale du Mouvement féminin de la solidarité avec la femme rurale et présidente du réseau algérien des associations victimes du terrorisme, a décidé de décliner l'invitation des organisateurs parce que «la définition du terrorisme retenue par les organisateurs de ce rendez-vous, fait l'amalgame entre terrorisme et combat des peuples pour leur indépendance», a-t-elle fait savoir en juillet dans un communiqué en prenant connaissance du programme du congrès et du texte l'accompagnant. «Alors que l'événement se veut de dimension internationale, nos amis européens ont présenté le thème de la conférence sous la définition européenne du terrorisme. Nous militons depuis des années pour une définition internationale du terrorisme qui doit être reconnue par les pays membres de l'Organisation des Nations unies et qui ne doit pas faire l'amalgame entre les droits des peuples à leur autodétermination et leur liberté et les actes de terrorisme n'ayant aucune valeur humaine à défendre», a souligné Mme Benhabylès. Pour Mme Benhabylès, Nicole Guiraud (victime de l'attentat FLN du Milk Bar), qui participe au congrès de Paris, est une victime civile de la guerre de Libération et non du terrorisme. «Notre journal», le site des pieds-noirs partisans de l'Algérie française confirme : «Notre compatriote Nicole Guiraud représentera les victimes pieds-noirs du terrorisme FLN durant la guerre d'Algérie.» «Parti pris» Sur son blog (à la date du 16 juillet), Alain Gresh, directeur de la rédaction du Monde diplomatique, qualifie le congrès de Paris d'«imposture». «La liste des attentats s'étale sur plus de cinquante ans et commence avec l'attentat contre le Milk Bar à Alger en 1956. On y trouve ceux des Brigades rouges en Italie (mais pas ceux commis à la même époque par les groupes d'extrême droite, notamment celui de la piazza Fontana, attribué à l'extrême gauche et dont on sait qu'il fut commis par l'extrême droite et marqua le début des années de plomb) ; celui contre l'avion de Habyarimana en 1994 (mais pas un mot sur le génocide du Rwanda qui a suivi), deux attentats en Israël durant la seconde Intifada, mais rien sur les milliers de Palestiniens tués par des tirs et des bombardements israéliens... Et tout est à l'avenant», écrit-il. Et de s'interroger : «Pourquoi les organisateurs n'ont-ils pas invité les familles des victimes de l'attentat de la rue de Thèbes ?», qui «marque un tournant dans la guerre d'Algérie» (l'attentat de la rue de Thèbes, dans la Casbah d'Alger, dans la nuit du 10 août 1956, qui a fait officiellement 16 morts et 57 blessés algériens). Et de souligner : «C'est que le parti pris est clair : les coupables ce ne sont jamais les Etats (ni les colons), ce sont toujours les peuples qui luttent contre l'oppression. Qui se soucie des centaines de milliers de victimes de l'agent orange, ce défoliant utilisé par les Etats-Unis au Vietnam et qui continue jusqu'à aujourd'hui à faire naître des enfants sans bras, sans jambes ? Qui se soucie des victimes du terrorisme d'Etat français en Algérie ou Israélien en Palestine ? Qui se soucie des morts tchétchènes tombés sous les balles russes ?» La même question a été posée par la LDH de Toulon, sur son site (mardi 26 juillet, dans la rubrique Les deux rives de la Méditerranée) : «Pourquoi les organisateurs du Congrès n'ont-ils pas prévu de donner également la parole aux familles des victimes de l'attentat de la rue de Thèbes ? Les familles de victimes des ‘‘ultras'' de l'Algérie française ont-elles été invitées ?» Nous avons appris que Jean-François Gavoury, le fils du commissaire Gavoury assassiné par l'OAS sera présent au congrès à titre personnel en tant qu'observateur.