Malgré une réglementation interdisant le travail des mineurs, nombreux sont les enfants qui contribuent financièrement aux besoins de leur famille. Au moment où huit millions d'enfants et d'adolescents ont rejoint, dimanche, les bancs de l'école, des chérubins, en âge de scolarisation, rêvent d'être scolarisés comme les enfants de leur âge. Leur nombre n'est toujours pas encore connu, mais pour diverses raisons, ils sont privés des lieux du savoir où les ont quitté un peu trop tôt. Abdelghani a 16 ans aujourd'hui. Ses parents sont des nomades d'origine marocaine. Après une longue «tournée» dans la région des Hauts-Plateaux, cette famille a atterri dans la partie rurale de la commune de Beni Tamou (10 km au nord de Blida). Engoncé dans des vêtements aussi sales que ses mains et son visage, cet adolescent, aux traits encore d'un enfant, avoue avoir toujours rêvé porter un tablier neuf et un cartable sur le dos. «A ma naissance, mon père avait décidé que je devienne berger nomade de métier, comme lui quoi, se désole-t-il. Il m'a toujours dit que la vie est la meilleure école et qu'on n'a pas besoin de savoir lire et écrire pour vivre.» Son demi-frère, Antar, âgé de 8 ans et sa demi-sœur Bahia 7 ans, ont un peu plus de chance que lui. Le passage d'une caravane communale de sensibilisation a pu convaincre ce père «ignorant» de l'importance de la scolarisation. Ces deux enfants doivent parcourir toute une distance pour atteindre l'école la plus proche de «chez eux». Si Antar peut espérer continuer ses études et arriver jusqu'au moyen, Bahia, sur ordre de son père et ses oncles, devra quitter l'école à l'âge de 11 ans. «C'est la loi chez nous. La fille n'est pas faite pour les études. Elle devra rester dans la tente jusqu'à son mariage», déclare le père un peu agacé. Comparé à d'autres, Abdelghani est mieux loti. Etre berger est bien mieux qu'être mendiant. A ne citer que le chef-lieu de la wilaya de Blida, où dans les ruelles du centre-ville, des enfants se sont convertis à la mendicité. Ils vivent dans la rue et dorment sur les trottoirs. L'école ne figure même pas dans leurs rêves les plus fous. Les enfants et la mendicité Pire encore, des gamins pas plus haut que trois pommes, sont utilisés, au vu et au su de tous, comme moyen assez efficace pour attirer la pitié des passants. Ceux qui, il y quelques années, n'étaient que des bébés dans les bras de leurs mamans, sont aujourd'hui des mendiants professionnels. Au lieu d'aller à l'école, ils envahissent les rues, les gares et viennent jusqu'aux maisons pour quémander quelques dinars ou un morceau de pain. Selon des informations recueillies auprès des services de l'Action sociale de Blida, la tutelle aurait lancé, en janvier dernier, une campagne de recensement des enfants en bas âge et des enfants en rupture scolaire. Une fois cette campagne achevée, une procédure sera entamée, nous dit-on. Les nomades et les mendiants ne sont pas les seuls à souffrir de l'analphabétisme. Dans les régions éloignées de Blida, il existe plusieurs cas. Dans la localité de Megtaâ Lazrag, dans la commune de Hammam Melouane, c'est plutôt la gente féminine qui en est la première victime. Car, dans la mentalité des montagnards, la place de la fille est à la maison. Telle est la tradition. Nombre de cas similaires sont déplorés dans plusieurs autres régions telles que Souhane, Djebabra, Guerouaou et les hauteurs de Bouarfa. Un phénomène pourtant interdit Malgré la promulgation de lois interdisant de pareils agissements, l'analphabétisme perdure et prend de l'ampleur de jour en jour. «Les parents n'ont aucune raison, aujourd'hui, pour priver leurs enfants d'aller à l'école», déclare M. Mouaouia, SG de la direction de l'éducation de la wilaya de Blida. «Le calme est revenu dans la majorité des patelins et notre direction fait tout pour permettre à tous nos enfants une scolarisation normale. Nous recensons, chaque année, les élèves issus des familles démunies et nous leur offrons des cartables et des tabliers gratuitement. Cela sans compter l'aide financière des 3000 DA. Nous sommes aussi arrivés à un taux de 50% dans le cadre de notre programme de distribution gratuite des livres scolaires». Selon notre interlocuteur, l'Etat fait de son mieux pour implanter des établissements scolaires un peu partout. «Rien que pour cette rentrée scolaire, 17 CEM ont ouvert leurs portes, ajoute-t-il. Plusieurs lycées ont été réceptionnés, dont le dernier est à la cité Driouche dans la commune de Bouarfa. Cela sans compter les classes du primaire». Pour contrer cette déperdition scolaire et cet analphabétisme, M. Mouaouia dévoile la nouvelle stratégie de la direction de l'éducation de Blida depuis l'année passée. «Nos inspecteurs de primaire se rapprochent des services de l'état civil territorialement compétent et recensent tous les enfants scolarisables. Sur la base de cette liste, si un enfant n'est pas inscrit dans nos établissements, on prendra les dispositifs nécessaires pour arriver en dernier lieu à la justice», conclut-il.