La paix sociale a un prix. Et à Tiaret, les commerçants sont en train de le payer. Alors qu'ils s'apprêtaient à faire grève pour protester contre l'explosion du commerce informel dans les rues de la ville, la wilaya les a reçus pour apaiser les esprits. En parallèle d'une opération de recensement des marchands informels qui auront droit à un marché tout neuf. Pour faire face à la colère des commerçants, agacés par l'ampleur que prend le marché informel, les pouvoirs publics ont trouvé une solution. Recenser les commerçants illégaux et leur trouver une place dans le circuit légal (voir chronologie ci-contre). Voilà ce qui a été rappelé dimanche dernier à Tiaret, en marge de la rencontre entre le chef de cabinet du wali, la Chambre de commerce et d'industrie Sersou et les commerçants pour désamorcer la crise qui couve. Car à Tiaret, les commerçants n'en peuvent plus. S'estimant «lésés» et «sacrifiés sur l'autel de la paix sociale», ils se préparaient à une journée de grève pour lundi, avant que les négociations avec les pouvoirs publics ne les en dissuadent, en leur promettant de régler le problème de l'informel avant la fin du mois. Mais comment tout cela a commencé ? Quelques jours avant le mois de Ramadhan, la police évacue manu militari les marchands situés à la cité Volani, juste devant les ex-«aswaks», dans une zone pourtant éloignée du centre-ville. Une opération fortement applaudie mais aussi et surtout soutenue par les riverains qui voyaient là le début d'une guerre contre l'informel. Car dans cette ville d'environ 200 000 habitants et 30 000 commerçants, le commerce illégal, présent depuis une dizaine d'années, a pris beaucoup d'ampleur depuis trois ou quatre ans. Les marchands délogés, la nouvelle se répand et donne des idées à d'autres commerçants, notamment ceux situés sur l'axe La mosquée-la medersa jusqu'au marché couvert, et dans son prolongement jusqu'à la rue de la Victoire, en plein cœur de la ville. «Nous ne sommes pas en train de dénoncer de simples petits marchands, nous confient les commerçants de la rue de la Victoire. Ce système est entretenu par de véritables barons.» Des tonnes d'ordures Ali, commerçant depuis une cinquantaine d'années, considère l'informel comme un «ennemi commun, à l'Etat et aux commerçants». D'un ton ironique mais ferme, il interroge : «Croyez-vous que ceux qui viennent chargés de produits et d'articles dépassant les 120 millions de centimes sont de simples marchands qui squattent les lieux de la levée du jour jusqu'au coucher du soleil ?» Et de rapporter des «agressions verbales» dès que les commerçants se mettent à faire des reproches. «Ils savent qu'ils bénéficient d'une sorte d'impunité et nous narguent chaque jour que Dieu fait… De nombreux voisins commerçants ont fait faillite durant le mois de Ramadhan et les journées précédant la fête de l'Aïd.» Une période généralement propice aux affaires. «Nos concurrents vendent tout et n'importe quoi à des prix défiant toute concurrence pour des raisons évidentes que l'on ne doit pas ignorer», souligne-t-il en faisant allusion à l'impôt, à la sécurité sociale et aux visites d'inspecteurs de la direction du commerce. Même les riverains n'arrivent plus à marcher sur des trottoirs bondés. «Ils laissent des tonnes d'ordures, ajoute Ali. Celles qu'ils ne jettent pas par-dessus la rambarde au niveau de Sidi M'hamed !» Là où justement il est question d'aménager un espace pour ces commerçants de l'informel. «Nous nous attelons à recenser avec les APC ces marchands de l'informel à la wilaya pour les inscrire plus tard, une fois achevés les marchés de proximité dans la légalité», a donc déclaré le directeur du commerce et des prix, Lounis Moussa. Et de se défendre : «Le commerce informel est une affaire d'occupation illégale de la voie publique qui reste du ressort de la police.» La majorité des commerçants illégaux se concentrent, d'après lui, sur une dizaine de marchés qui représentent environ 20% de tout le commerce. Deux marchés de gros (à Rechaïga, à 70 km de Tiaret, achevés à 100%, et une centrale des ventes à Tiaret) et deux marchés quotidiens sont actuellement en projet. «Nous nous employons également à réhabiliter certains marchés, précise le responsable, dont ceux hebdomadaires, notamment à Trig El Beïdha, Sonatiba, Aîn Guesma, Oued Ettolba et Ettefah.»