La France de Sarkozy ne perd pas de temps pour prendre ses problèmes internes à bras-le-corps. Les feux des banlieues viennent à peine de se consumer que le gouvernement français a mis en chantier un ensemble de mesures restrictives visant à circonscrire l'immigration. Déjà ardue, le gouvernement de Villepin tentera de mettre en place (par le truchement du projet de loi qui sera présenté le mois prochain) une série de conditions draconiennes aux étrangers postulant à séjourner, travailler et vivre dans l'Hexagone. Les officiels français, jadis si réservés, n'hésitent plus désormais à emprunter au lexique du Front national de Jean-Marie Le Pen le verbe épicé et les locutions imagées des clichés extrémistes. Même si ceux-ci expriment qu'ils n'ont ni les moyens ni la volonté d'accueillir la « misère du monde », il n'en demeure pas moins qu'ils avouent aujourd'hui que la France ne doit plus « subir », mais « choisir » ses immigrés. Le ministre français de l'Intérieur n'hésite d'ailleurs pas à citer l'exemple du Canada dont la politique d'immigration s'appuie sur des apports humains qualitatifs, notamment depuis les pays du Maghreb. En fait, il est tout à fait légitime que la France officielle puisse se donner les moyens de choisir ce qui conforte le plus son développement économique et social immédiat et lui assure une relève démographique en rapport avec ses ambitions nationales et internationales. C'est en ce sens que la volonté est affirmée de l'autre côté de la Méditerranée de pomper ce qu'il y a de meilleur dans les candidatures à l'immigration, surtout parmi les « talents » et les « compétences », et de laisser loin en rade les pas ou peu qualifiés, les sans-diplôme et ceux qui n'ont que leur force physique à faire valoir. Du côté algérien, les nouvelles mesures que doit prendre incessamment le gouvernement français ne peuvent être qu'appréciées avec indifférence. Il y a en effet longtemps que les pouvoirs successifs de notre pays se désintéressent de leurs élites à tel point que les statistiques nationales donnent une émigration massive vers l'étranger de quelque 400 000 cadres algériens en 10 ans. Même si, le temps d'une visite en France, le président Bouteflika a esquissé des larmes de crocodile envers « cette élite algérienne qui déserte le pays pour faire le bonheur des entreprises et institutions françaises », il n'en demeure pas moins que l'effondrement de la classe moyenne algérienne et la disqualification du statut de cadre, la non-valorisation des diplômes universitaires et le chômage intellectuel nettement désarmés face à la montée en puissance de l'économie informelle et des fausses valeurs sociétales, ont ouvert grandes les portes de l'exil. C'est tant mieux sommes-nous tentés paradoxalement de dire devant l'absence de débouchés nationaux et le poids pesant de l'apathie ambiante... La France de Sarkozy, par ce projet de loi, défend donc légitimement l'intérêt des siens. Notre intérêt à nous n'est pas aujourd'hui au retour au pays de nos élites, tant il va de soi que les conditions du chemin inverse ne sont pas réunies. Une question les yeux dans les yeux : que conseilleriez-vous aujourd'hui à un chercheur algérien travaillant à la NASA ? De rester à Houston pour mieux s'aguerrir et acquérir de l'expérience ou de revenir au pays ? Une société assoupie sur les acquis révolutionnaires, accoudée au système de la rente et s'appuyant sur les ressources pétrolières a-t-elle besoin d'une élite valorisante, de cadres compétents et de talents affirmés ? Résoudre cette équation ferait probablement revenir les élites de ce pays dans leur pays...