C'est demain 23 septembre et, pour la précision, à 12h 30, que les Palestiniens déposeront leur demande d'adhésion à l'ONU en tant qu'Etat membre. Sans faire dans la demi-mesure, tous les droits sinon rien, assurent-ils, mettant ainsi fin à certaines supputations sur le statut en question. D'autant que l'Etat proclamé en 1988 a été reconnu par près de 130 pays, soit plus que le quorum requis. Tous ceux qui l'ont fait ces derniers temps, ont mis en avant l'acte de justice qu'ils accomplissaient. Ils entendent manifester leur soutien au peuple palestinien qui fait face à l'occupation israélienne. Ou encore, amener l'ONU à rappeler les termes de la question palestinienne, afin d'opposer la légalité internationale à l'intransigeance israélienne. Ce n'est donc pas de l'intransigeance. Tout a été dit dans le discours prononcé, vendredi dernier, par le président de l'Autorité palestinienne. Mahmoud Abbas rappelle, depuis des mois, que la situation est devenue intenable, menaçant même de mettre fin à cette notion d'Autorité, devenue un alibi que les Palestiniens avaient accepté en 1993, pour la simple raison que la situation d'alors devait évoluer vers la création d'un Etat palestinien indépendant. Il n'y a rien eu de tout cela, et les négociations se sont transformées en piège pour les Palestiniens. Ils n'avaient d'autre choix que de se montrer sensibles à tous les discours, acceptant même les promesses, sans apparemment y croire. Pour ne pas endosser l'échec, disaient-ils alors. Et c'est ce qui explique leur recours à l'ONU, tout en étant disposés, assurent-ils, à reprendre les négociations. Ou encore estiment-ils, cette accession au statut d'Etat permettrait, au contraire, de refonder les négociations de paix sur de meilleures bases, en corrigeant le déséquilibre des forces avec Israël. «Aller à l'ONU n'est pas en contradiction avec le processus de paix, mais permet au contraire de le sortir du blocage provoqué par l'intransigeance d'Israël et son refus d'arrêter la colonisation ou de s'engager sur les références du processus de paix», avait assuré M. Abbas à l'émissaire américain pour le Proche-Orient, David Hale, et au conseiller spécial du président Barack Obama, Dennis Ross. En faisant preuve d'une même détermination, le leader palestinien a mis fin aux pressions exercées, aussi bien par le Quartette, ce forum international incapable, rappelle t-on, de respecter ses propres engagements, que par les Etats-Unis qui ont annoncé qu'ils opposeront leur veto au Conseil de sécurité, ou l'Union européenne au discours terriblement inconstant et ambigu. En tout cas, en-deçà de la position affichée en 1980, et dont la seule réaction aujourd'hui est d'appeler à «une solution constructive», un bien bel alibi et une couverture pour nombre de ses membres, comme s'il y avait toujours eu une politique extérieure européenne commune. Mais cela est une autre question. Veto américain ? C'est pourquoi, l'approche traditionnellement normale et aisée, ne l'est en aucun cas pour les Palestiniens, qui doivent faire face à l'opposition des Etats-Unis déterminés à empêcher une telle adhésion. Pourtant, celle-ci se base sur les éléments annoncés lors de la proclamation à Alger, en novembre 1988, de l'Etat palestinien et qui consistent en la reconnaissance de l'existence d'Israël, et des résolutions 242 et 338 du Conseil de sécurité, définissant de fait de nouvelles frontières après celles qui ont été établies par la résolution 181 de 1947, portant partage de la Palestine. C'est cette même ONU qui a accueilli en son sein l'Etat d'Israël proclamé unilatéralement en mai 1948, il faut bien le rappeler, puisque le reproche est fait aux Palestiniens. Pire que cela, son existence même du peuple palestinien était niée puisque la résolution 242, celle qui est retenue comme base de règlement, n'en parle qu'en termes de réfugiés. Depuis quelques mois, soit depuis qu'il a été constaté que les Palestiniens étaient inflexibles, Washington a mobilisé sa diplomatie pour affirmer que la voie qu'ils ont choisie ne mènera pas à la paix avec Israël, mais à plus de tensions. Mais qui croit encore aux négociations, alors qu'Israël a démontré qu'elles étaient inutiles ? Mais se demande-t-on, les Etats-Unis ont-ils réellement fait le maximum, eux, qui depuis l'élection de Barack Obama ont introduit une nouvelle approche, en déclarant que la poursuite du conflit du Proche-Orient, mettait en danger leurs intérêts nationaux ? La fin du statu quo Ce qui avait alors suscité de très grands espoirs. Il est difficile d'autre part d'oublier le discours du président Obama souhaitant l'admission de l'Etat palestinien lors de cette session. C'était il y a exactement une année, mais il est vrai que M. Obama envisageait cette perspective dans le cadre de négociations, lesquelles n'ont jamais eu lieu ou alors torpillées par Israël en intensifiant sa politique de colonisation. Israël n'a même pas eu la délicatesse d'attendre la fin de la tournée du vice-président US pour annoncer sa décision. Joe Biden, rappelle-t-on, avait, lui aussi, annoncé le changement dans la politique de son pays en déclarant, quelques mois après le changement d'Administration aux chefs de l'AIPAC, le principal lobby pro-israelien, qu'ils devaient se préparer à entendre autre chose. Cela a été dit effectivement, sauf que les Israéliens ont persisté dans leur politique, et ce sont au contraire les Américains qui ont atténué leur position. En ce sens, l'émissaire américain, George Mitchell, a démissionné de son poste, constatant l'impasse et même l'impossibilité de poursuivre sa mission. Si le vote du Conseil de sécurité est connu, qu'adviendra-t-il alors de la démarche des Palestiniens ? Au plan politique et moral, c'est tout simplement la fin d'une période, puisque l'ONU, à travers une majorité de ses membres, a recadré la question palestinienne. Il permettra aussi une certaine décantation en amenant les uns et les autres à se prononcer très clairement, et à ne plus s'abriter derrière des généralités. Quant à la procédure, les Palestiniens ont dû certainement explorer toutes les voies et relever que l'Assemblée générale a été amenée à contourner un blocage au Conseil de sécurité. Ce sont justement les Américains qui avaient introduit une telle possibilité et l'amendement en question s'appelle la résolution Dean Acheson du nom de leur ancien secrétaire d'Etat. C'était à l'époque de la guerre de Corée (voir encadré). Un tel débat a été précédé par des pressions, des oppositions, y compris au sein des Palestiniens, et des menaces israéliennes. Ce sera la fin du statu quo.