La fille du dictateur déchu a mis les autorités algériennes dans l'embarras après ses déclarations virulentes à la chaîne Arrai contre le CNT libyen. La diplomatie algérienne est une nouvelle fois dans ses petits souliers. Aïcha El Gueddafi, fille de son père, vient, à partir d'Algérie, via la chaîne Arrai, d'appeler ses compatriotes à continuer de combattre les «traîtres» du Conseil national de transition libyen (CNT). La veille, l'Algérie consentait une reconnaissance de fait à ce même CNT après de longs mois de bafouillages que beaucoup ont interprété comme un soutien non assumé au dictateur de Tripoli. L'acte a été jugé «inacceptable» par le ministre des Affaires étrangères, Mourad Medeleci, qui se trouvait à New York au moment des faits. «Je ne peux qu'exprimer ma surprise devant une telle déclaration qui vient d'une dame que l'Algérie a accueillie avec le reste de sa famille pour des raisons humanitaires», s'est outré le ministre. Pour tenter de rattraper le coup et anticiper sur les réactions qui ne manqueraient pas de venir, le ministre annonce par ailleurs que «des décisions seront prises pour qu'à l'avenir, des comportements de ce type ne puissent plus se reproduire». Quelles décisions ? Peut-être resserrer le contrôle sur les faits et gestes de ces hôtes pour le moins encombrants et leur enjoindre de ne plus faire de l'Algérie une base arrière politique pour les soutiens du dictateur déchu. L'intervention audio de la fille d'El Gueddafi était en effet un appel guerrier à la mobilisation calqué sur ceux de son père en fuite et, en ce sens, elle ne peut être reçue par les nouveaux maîtres de Tripoli que comme un acte de guerre de la part d'un protagoniste qui, décidemment, n'entend pas se complaire dans la posture du réfugié pour des «raisons humanitaires». Il est pour le moins surprenant, tout de même, de voir comment les autorités algériennes se sont laissés «surprendre» sur le dossier, et la réaction de M. Medelci comporte bien l'aveu que l'on ne s'attendait pas à ce que les hôtes libyens entreprennent quoi que ce soit à partir du sol algérien. Pourtant, les mœurs politiques et médiatiques des El Gueddafi, marquées par le fantasque et l'absence de la culture d'Etat, auraient dû à elles seules inciter à une plus grande vigilance sur le sujet, côté algérien. Aïcha El Gueddafi, ses frères Hannibal et Mohamed et leur mère avaient-ils été suffisamment briefés par les autorités d'accueil sur l'obligation de garder le silence tant qu'ils sont présents sur le sol algérien ? Ou s'est-on contenté de leur ouvrir les portes du palais en comptant sur leur discernement ? Le fait est là. L'auteur de l'appel sur la chaîne Arrai n'en a fait qu'à sa tête, s'encombrant fort peu des répercussions que son acte allait avoir sur la position du pays hôte. C'est ce qu'a souligné M. Medeleci dans sa réaction en reconnaissant que la fille El Gueddafi n'a pas tenu compte «des devoirs qui sont les siens vis-à-vis du pays qui l'a accueillie». Enfin, rien ne dit également – et ce qui vient d'arriver autorise les supputations – que d'autres actes plus secrets en faveur de la cause du père n'ont pas été entrepris par la progéniture d'El Gueddafi à partir de son asile algérien. Le CNT libyen, qui a, dès l'annonce de l'entrée sur le sol algérien des membres de la famille El Gueddafi, demandé leur extradition, ne manquera pas de rebondir sur ces faits pour réclamer, cette fois avec plus d'arguments, le retour des fuyards sur le sol libyen. Difficile à l'Etat algérien d'invoquer une nouvelle fois le généreux principe de «l'accueil pour des raisons humanitaires» lorsque ceux à qui il devait bénéficier ne le respectent pas.