Historique. Le Sénat français a, depuis dimanche, viré complètement à gauche avec 177 sièges sur les 348. Pavoisement dans les rangs des socialistes et coup de tonnerre à droite. Paris De notre correspondant C'est fait. Depuis dimanche soir, la deuxième Chambre de France, en l'occurrence le Sénat, a basculé majoritairement à gauche à l'issue d'un vote indirect où seuls les grands électeurs (maires, conseillers généraux, régionaux et départementaux) étaient appelés à exprimer leurs voix.Le résultat est sans équivoque. La haute assemblée est passée à gauche, une première depuis le début de la Ve République entamée le 4 octobre 1958. Mathématiquement, la gauche totalise désormais 177 sénateurs sur les 348 que compte cette institution, soit une majorité absolue. Si la gauche, qui est déjà majoritaire au niveau municipal, régional et départemental, voit son succès comme un coup porté à la politique de Sarkozy, la droite, en revanche, s'est réveillée lundi avec la gueule de bois. Elle craint que ce succès de la gauche ne lui ouvre la voie vers un autre, celui de la présidentielle de mai 2012. Les réactions ne se sont pas fait attendre après l'annonce des résultats. Le Premier ministre, François Fillon, bien qu'il ait pris acte de l'échec de son camp, a donné rendez-vous au printemps prochain, c'est-à-dire à l'élection présidentielle. «Ce soir, la bataille commence», a annoncé le Premier ministre français. A mots feutrés, Gérard Larcher, l'actuel président du Sénat, a indirectement imputé l'échec au président Sarkozy : «La poussée de l'opposition (socialiste, ndlr) est réelle et plus ample que je ne l'avais estimée. Il nous faut mieux expliquer la situation de la France et celle de l'Europe. Surtout, il nous faut veiller à ce que ces efforts soient justement répartis.» La présidentielle 2012 en point de mire De leur côté, admettant la défaite de leur camp, Jean-François Copé, président de l'Union pour la majorité populaire (UMP), actuellement au pouvoir, et Jean-Pierre Raffarin, sénateur et envoyé spécial de Sarkozy, jugent que rien n'est encore joué vraiment : «Comme la majorité sénatoriale est plus large que la majorité partisane, rien n'est joué. C'est au troisième tour que se dessine vraiment la majorité sénatoriale.»Toutefois, malgré les déclarations optimistes des uns et des autres, les dés semblent bel et bien pipés pour la droite. Celle-ci continue de subir davantage de pertes électorales et se montre incapable de trouver des solutions à la crise économique et au chômage, qui touche près de 10% de Français. «C'est une sanction incontestable pour l'UMP et Nicolas Sarkozy», a soutenu Harlem Désir, premier secrétaire par intérim du Parti socialiste. Martine Aubry, candidate aux primaires du PS, s'est félicitée en disant que «cette victoire vient de loin». Elle est d'une certaine façon «prémonitoire de ce qui va se passer en 2012», a ajouté François Hollande, l'autre candidat à la primaire socialiste. Pour sa part, Ségolène Royal a déclaré : «Cette victoire lui donne (à la gauche, ndlr) une grande responsabilité, celle désormais de s'opposer aux mauvaises lois en provenance d'une Assemblée nationale de droite.» Par ailleurs, les conséquences de cette victoire ne vont pas mettre trop de temps à se faire sentir. Le PS et ses alliés pourront déjà mettre fin à l'hypothèse de la convocation du congrès à Versailles pour adopter la règle d'or en matière budgétaire chère à Nicolas Sarkozy. Cette règle prévoit d'inscrire dans la Constitution l'interdiction de dépasser 3% en termes de déficit budgétaire. Le nouveau Sénat risque aussi de rejeter la nouvelle loi sur la sécurité sociale ainsi que celle relative au budget 2012. Autant d'obstructions qui risquent de fragiliser encore la droite, à sept mois de la présidentielle…