De notre correspondant à Paris Merzak Meneceur La droite française a subi dimanche un véritable camouflet politique sans précédent, historique. Après une domination hégémonique de 53 ans, depuis la naissance de la Ve République, elle a perdu la majorité sénatoriale au profit de la gauche, à la faveur du renouvellement de la moitié des sièges de la Haute Assemblée.Un séisme. Un tremblement de terre. Un tsunami politique. C'est à qui exprimera le mieux cette déroute électorale de la majorité présidentielle, qui atteint de plein fouet le chef de l'Etat, Nicolas Sarkozy, déjà très affaibli dans les sondages, à sept mois de l'élection à la magistrature suprême.L'élection sénatoriale est au suffrage indirect. Ce sont les élus des Conseils municipaux, départementaux et régionaux qui participent au vote. Pour l'emporter, la gauche, dans toutes ses sensibilités, devait conquérir 23 sièges de plus que la droite. A l'arrivée, elle a eu un gain de 25 sièges. Aujourd'hui, avec 177 sénateurs sur 348, la Haute Chambre tourne le dos à ceux qui croyaient qu'elle était immuablement ancrée à droite, à cause d'un mode de scrutin favorisant le nombre d'élus des campagnes, traditionnellement conservateurs. Le 1er octobre, c'est un socialiste qui devrait être élu président de la Chambre.Comment expliquer cette défaite historique de la droite qui a, ainsi, perdu toutes les élections intermédiaires, municipales, cantonales et régionales, entre deux élections présidentielles ? Là, se trouve une des raisons de cet événement, car le corps des grands électeurs s'est trouvé modifié au profit de la gauche. Et le verrouillage de la droite, qui consistait à favoriser le nombre de sénateurs représentant les campagnes, est tombé face au mécontentement social et à la réforme territoriale de ceux censés toujours acquis à la droite. Sans omettre les divisions de la droite où les dissidents de l'UMP se sont fait élire aux dépens de ceux qui se revendiquaient de Sarkozy.Ces raisons n'expliquent pas tout, dans un pays où l'opposition à la politique gouvernementale et aux choix du président Sarkozy est assez forte. Pour les socialistes, les grands vainqueurs en disposant, maintenant, de 123 sièges au Sénat, c'est le rejet de la politique gouvernementale et le désaveu des choix économiques et sociaux de Sarkozy qu'ont voulu exprimer les grands électeurs. C'est un membre du gouvernement, Benoist Apparu, qui a reconnu que «c'est un séisme institutionnel, un impact sur l'ambiance générale». Une ambiance générale où la droite est mal à l'aise. Sa politique est considérée favorable aux riches aux dépens de la majorité de la population, qui subit les effets des choix du pouvoir et de la crise économiques. En outre, un air de discrédit règne avec les affaires de corruption, tout particulièrement avec «l'affaire de Karachi» qui tourne au plus grand scandale de la Ve République, si les pistes suivies actuellement par les juges s'avèrent vérifiées et confirmées. L'entourage de Sarkozy est touché avec deux mises en examen pour complicité dans l'affaire des rétrocommissions dans la vente d'armes au Pakistan, qui auraient servi à financer la campagne présidentielle d'Edouard Balladur en 1995. Devant ce fait, Jacques Chirac a, dès son élection à la présidence, arrêté le versement des commissions. Pour se venger, des Pakistanais ont tué 11 Français lors d'un attentat à Karachi, attribué dans un premier temps à des terroristes.La défaite sénatoriale de la droite dans cette ambiance générale risque de compliquer la stratégie de Sarkozy en vue d'obtenir un second mandat présidentiel, en 2012. Par contre, elle accroît les chances de voir un socialiste s'installer au Palais de l'Elysée au printemps prochain.