Diplômé de l'Ecole supérieure des beaux-arts d'Alger, Amine Labter vient de publier dans la collection Caricart des éditions Lazhari Labter, à Alger, son premier album, Vit'Amine, préfacé par Mustapha Boughadou, enseignant à l'ESBA et chercheur en sciences de la communication et du journalisme à l'université d'Alger. -D'où vient ce titre tonifiant de Vit'Amine ? Nadia Roman, auteur aux éditions Lazhari Labter, versée dans la littérature jeunesse, suit mon travail à travers facebook. Un travail qui lui a plu. Un jour, elle m'a proposé d'introduire le titre de Vit'Amine dans la lucarne réservée à mes dessins sur le Net. Dans le monde de la presse, on travaille rapidement. En ajoutant mon prénom, cela a donc donné «Vit' Amine». -Il y a un personnage qui a tendance à revenir souvent dans vos dessins. Qui est-il ? Des lecteurs et des amis m'ont dit que c'était moi. Il y a une part de vérité dans cela. Le personnage est reconnaissable grâce à son bleu de Shangaï et à son journal sous le bras. Il commente ce qui se passe autour de lui comme actualité nationale et internationale. Mais il n'y a pas que ce personnage. C'est un peu inspiré du chat de Geluck (Philippe Geluck est dessinateur de presse d'origine belge, ndlr). Maintenant, j'ai développé mon style personnel. -Quels sont les thèmes que vous préférez traiter dans vos dessins ? Avez-vous des lignes rouges ? Il y a toujours des lignes rouges, de l'ordre de l'éthique. Je vais éviter de me moquer d'une infirmité ou de la petite taille d'une personne. D'autres le font, moi, j'évite. Je n'aime pas tomber dans l'humour simple, du premier degré. J'essaie de trouver des caricatures amusantes sans être vulgaire ou attaquer gratuitement une personne. -Quelles sont les références pour vous en Algérie ? Ali Dilem, trois fois. Et Slim. Etant jeune, je n'ai pas vu beaucoup de caricatures de Slim, mais j'ai lu ses bandes dessinées (BD). Je pense que Slim a inspiré Dilem. Cela dit, j'ai pris mon indépendance… -Quel regard portez-vous sur la caricature en Algérie actuellement ? A l'Ecole des beaux-arts, j'ai eu la chance de faire un mémoire sur la caricature en Algérie. Il y a déjà un style qui a disparu en Algérie, le dessin humoristique. C'est peut-être lié à l'évolution des choses. Aujourd'hui, il n'existe que le dessin comique avec la bulle. Il y a peu de dessins sans légende. C'est dommage. Là aussi, c'est peut-être en relation avec l'actualité. On se sent obligé d'intervenir sur une phrase dite par telle personnalité politique. Je pense que les journaux, médias de prédilection des caricaturistes ou des dessinateurs de presse, restent hermétiques pour nous. Jusqu'à aujourd'hui, je suis passé par trois journaux. On est vite pris par le dégoût. On nous prend de haut. -C'est-à-dire ? En tant que jeunes, nous sommes considérés comme des kherbachine (scribouillards). On veut à tout prix nous stopper : ne faites pas ceci, ne faites pas cela ! On nous demande de ne pas dessiner Bouteflika ou Ouyahia. Ce n'est pas normal qu'on nous demande de ne pas dessiner le président de la République ! -C'est une nette régression par rapport au passé ! Oui, c'en est une ! Heureusement que nous avons internet, facebook et les réseaux communautaires pour nous exprimer. Des jeunes arrivent à émerger comme Bakki (caricaturiste d'Echourouk et de l'ENTV). Je vais peut-être publier mes dessins dans un magazine (Salama, ndlr). Cela dit, je lance un appel, peut-être qu'un journal serait intéressé par mes travaux ! Un journal qui donnerait une importance à la caricature et où la liberté de créer est assurée. Avec le Salon du livre, je ne peux pas publier quotidiennement mes dessins sur facebook. Un programme du gouvernement américain, «Political cartoonists», m'a permis de passer une vingtaine de jours aux Etats-Unis avec des jeunes caricaturistes de plusieurs pays. On nous a fait découvrir plusieurs facettes du pays. De l'autre côté, en Algérie, les jeunes sont portés disparus ! Il n'y a rien, pas de lumière…