Les vœux de 2006 annoncent la campagne pour l'élection présidentielle de 2007 et une année de débats politiques. Des présidentiables affichent leurs ambitions. L'Elysée et Matignon ont décrété l'année 2006 « année utile », tandis que le président Chirac a appelé au « respect des échéances ». Un appel qui n'a pas été entendu par le numéro 2 du gouvernement et président de l'UMP, lequel a présenté jeudi un véritable programme de campagne. « On peut être solidaire et avoir des idées différentes et pour l'avenir porter une alternative différente », a-t-il déclaré. Nicolas Sarkozy a souligné que la France ne pouvait « se contenter de demi-réformes » et que l'UMP était « devant » Matignon pour les propositions d'avenir. Pour Nicolas Sarkozy, l'année 2006 doit être l'occasion de « débats nombreux, approfondis et sans tabou ». La bataille pour la présidentielle est ainsi lancée. Devant la presse, le Premier ministre Dominique de Villepin a souhaité, le 10 janvier, faire de 2006 « une année d'engagement », sans autre précision. Grand rival de Sarkozy à l'UMP, Dominique de Villepin ne laisse pas transparaître ses ambitions pour la présidentielle, donnant la priorité à l'action de son gouvernement, notamment en matière de lutte contre le chômage. Le ministre de la Cohésion sociale, Jean-Louis Borloo, qui partage désormais la présidence du parti radical, jusqu'en décembre 2007, avec André Rossinot, le maire de Nancy, entend lui aussi peser sur le débat politique en vue de la présidentielle, en incarnant « l'aile gauche de la droite ». Jean-Louis Borloo est porteur de thèmes comme l'égalité des chances. Il a présenté un projet de loi en ce sens avec Azzouz Begag, ministre délégué, mercredi en conseil des ministres. Lors de ses vœux, le 10 janvier au siège de l'UDF, le président du parti centriste, François Bayrou, laisse entendre ses ambitions. « J'envisage d'être au second tour », déclare pour sa part Philippe de Villiers, président du MPF, espérant récupérer l'électorat du Front national. Un programme de candidat Devant un parterre de plus de 400 journalistes, c'est un véritable programme de candidat que le ministre de l'Intérieur, président de l'UMP, a développé : prévention de la délinquance, projet de loi sur l'immigration qu'il présentera en février, limitation des mandats présidentiels à deux, loi sur le service minimum, plan de réduction des effectifs des fonctionnaires, refonte institutionnelle de l'Europe, plan de renforcement de la sécurité à l'école... Par la réforme institutionnelle que propose Nicolas Sarkozy, le chef de l'Etat devrait rendre compte au Parlement, et le rôle du Premier ministre, devrait consister à « coordonner » l'action gouvernementale. « Plutôt qu'un président qui préside, je veux un président-leader », a affirmé, au Monde, M. Sarkozy, qui estime que « le futur président ne pourra être que différent de ceux qui l'ont précédé ». Répondant à ceux qui l'accusent d'embrasser les idées du Front national, Nicolas Sarkozy réplique : « Je n'ai pas peur des mots qui heurtent, ceux qui du boulevard Saint-Germain au café de Flore aiment à manifester, se défendant de toute dérive droitière à des fins électoralistes. » Le projet de texte sur l'immigration (lire El Watan de lundi 9 janvier 2006) favorise notamment la venue de travailleurs qualifiés, étudiants, chercheurs ou professeurs d'université. Une nouvelle carte de séjour valable trois ans et renouvelable pourrait être créée à cet effet. Nicolas Sarkozy se défend toutefois de vouloir provoquer une « fuite des cerveaux ». « Un cadre d'un pays d'origine viendrait acquérir de la formation chez nous et s'engagerait à repartir chez lui au bout de trois ans », a-t-il dit à titre d'exemple. Quant aux conditions du regroupement familial, elles seront durcies. « Sa famille, on la fait venir si on a les moyens de la loger et de la faire vivre », a prévenu le ministre. Le projet de loi comprend aussi des mesures destinées à « éviter des détournements du mariage à des fins d'immigration clandestine ». Faisant référence à la controverse sur « le rôle positif » de la colonisation française inscrite dans la loi du 23 février 2005, Nicolas Sarkozy a déclaré vouloir « lever les malentendus ». Pour ce faire, il a annoncé une visite en Guadeloupe et en Martinique en mars. « Il faut faire bouger la gauche » Pour M. Sarkozy, la réécriture de l'article 4 sur le rôle positif de la présence française outre-mer, notamment en Afrique du Nord, doit avoir pour premier objectif « d'écarter la référence ambiguë à ‘‘l'outre-mer'' puisque le texte ne vise pas l'outre-mer au sens de notre actuelle Constitution, mais des territoires qui ne sont plus rattachés aujourd'hui à notre pays, les anciens départements français d'Algérie, Maroc, Tunisie notamment ». « Le second objectif, a indiqué le président de l'UMP, est de préciser que les programmes scolaires accordent à l'histoire de la présence française dans ces territoires la place conséquente qu'elle a eue. Pas plus, pas moins. » A gauche, Laurent Fabius s'affiche comme candidat à la candidature du Parti socialiste. Il n'est pas le seul. Mais pour la secrétaire nationale du parti communiste, Marie-George Buffet, « si on veut battre la droite en 2007, la gauche a besoin du rassemblement le plus large possible ». Et d'estimer que « la synthèse de la gauche, ce n'est pas la synthèse opérée au Mans au sein du Parti socialiste », mais qu'« il faut faire bouger la gauche ». Réagissant aux propositions du président de l'UMP, notamment pour ce qui est des réformes institutionnelles et de l'immigration, la gauche dénonce une « dérive autoritaire », une « fuite en avant dans le populisme sécuritaire ». Porte-parole du PS, Julien Dray fustige « une présidentialisation à l'extrême de la Ve République, là où l'évolution démocratique nécessiterait l'inverse ». Lors de son congrès du Mans, le PS s'est prononcé pour « une République nouvelle qui met le Parlement au cœur de la vie politique et qui rééquilibre les pouvoirs » entre le chef de l'Etat et le Premier ministre. Pour sa part, le PCF dénonce une « fuite en avant dans le populisme sécuritaire » et accuse le ministre de l'Intérieur de « chasser sur les terres de l'extrême droite ». La Ligue communiste révolutionnaire pointant le futur projet de loi sur l'immigration affirme que « l'objectif est la destruction de tous les maigres acquis de la lutte des sans-papiers » et de « piller les cerveaux et la main-d'œuvre qualifiée des pays en voie de développement », et les partis de gauche, syndicats et associations à se mobiliser contre un texte « discriminatoire qui ne peut que développer la xénophobie ».