Propulsé en première ligne pour porter «les réformes politiques» de Bouteflika, le ministère de l'Intérieur – un des piliers du régime – cadenasse, à travers des projets de loi organiques jugées «scélérates», le paysage politique. Ingérence dans la vie interne des partis, imposition de conditions draconiennes pour la création de nouvelles formations politiques, le projet de loi sur les partis tout comme celui relatif au régime électoral révèlent la propension de l'administration à régenter la vie politique. Une obstination à vouloir caporaliser le champ politique et social. Un réflexe autoritaire qui va à l'encontre des aspirations démocratiques de la société. Pas simple de convaincre ainsi du bien-fondé de «réformes politiques» annoncées tambour battant. Est-il normal que le ministère de l'Intérieur s'impose, contre toute logique et bon sens, comme le maître incontesté du jeu politique ? N'est-il pas nécessaire de laisser faire le libre jeu démocratique si l'on veut réellement persuader de la sincérité des «réformes» engagées ? Analystes et acteurs politiques s'accordent à dire que les projets de loi, élaborés dans les bureaux «brumeux» du ministère de l'Intérieur, dénotent des velléités du régime à se maintenir tout en donnant l'impression qu'il opère des changements. Le politologue Mohamed Hennad de l'Ecole supérieure des sciences politiques estime que «le régime est contraint à faire des réformes au regard des exigences internes et externes, cependant il se donne des garde-fous lui assurant sa propre survie. Cela se vérifie précisément dans les projets de loi dont le ministère de l'Intérieur est le chef d'orchestre. Deux caractéristiques se dégagent. Il s'agit de lois octroyées et à connotation sécuritaires. Elles ne sont pas le fruit d'une négociation politique». N'est-ce pas là la nature même du régime ! «C'est pour cela qu'il est inconséquent de demander des réformes à un système pourri. Dans notre cas, le changement doit signifier le départ du système», tranche M. Hennad. De son côté, Ahmed Betatache, enseignant en droit, estime que «c'est le propre des régimes de type totalitaire où le rôle de l'institution judiciaire est occulté au profit d'un ministère de l'Intérieur qui, lui, joue un rôle central dans la vie politique». Partisan de la dissolution de toutes les lois régissant les partis, syndicats, associations, élections, l'ancien ministre de l'Enseignement supérieur du gouvernement réformateur, Abdeslam Ali Rachedi, considère que le pouvoir actuel «est encore dans une démarche bureaucratique de contrôle de la société par les appareils, comme si nous ne sommes pas dans la mondialisation et la communication universelle». Pour lui, le ministère de l'Intérieur «n'est qu'une façade, les décisions sont prises ailleurs». Dans un régime démocratique, «il n'y a tout simplement pas de loi sur les partis comme c'est le cas en France où il y a une loi sur le financement (public) des partis, mais la création des partis est totalement libre. Le pouvoir actuel ne propose même pas le retour au système déclaratif instauré en 1989 par les réformateurs», regrette Abdeslam Ali Rachedi. S'agissant du régime électoral, «la norme pour les législatives, c'est le scrutin majoritaire et non la proportionnelle. e pouvoir algérien a imposé la proportionnelle après son échec de décembre 1991, tout simplement pour pouvoir mieux contrôler les candidatures et donc les résultats. Avec le scrutin de liste qui donne la haute main aux partis pour le choix des candidats, il suffit au pouvoir de contrôler les responsables des partis pour imposer ses choix (l'Alliance présidentielle et autres affidés au pouvoir)», argue l'ancien ministre. Très au fait du fonctionnement du système politique algérien en raison de ses fonctions antérieures dans l'appareil de l'Etat, l'ancien chef de gouvernement Ahmed Benbitour parle de réformes «cosmétiques» qui «n'apporteront aucun changement» affirme-t-il.En somme, le pouvoir fait semblant d'organiser des réformes en décidant lui-même des règles du jeu et persiste dans la logique de l'octroi. Il occulte le débat de fond en organisant de faux débats. Les Algériens sont interdits d'exercer leur droit de citoyens à décider de leur destin. Le processus démocratique reste toujours bloqué. Et le pays avec.