Yaura-t-il un jour, en Algérie, une alternance politique au Pouvoir en place ? Ne posez surtout pas cette question à nos dirigeants actuels… Ils vous répondront avec un aplomb inimaginable : «Mais bien sûr, voyons !...» Seulement, voilà, entre ce qu'ils disent et ce qu'ils font, il y a une marge qui n'a plus de limite. Depuis le temps qu'ils promettent de remettre le flambeau aux générations montantes, les jeunes, qui ont mûri dans l'intervalle, ont eu tout le temps de remiser leurs espérances. De vieillir sans jamais accéder aux sphères de décision politique. De voir, en fait, leurs compétences et leur dévouement ne servir à rien, alors que le pays a tellement besoin de ressources humaines et d'une élite capables de le tirer vers le haut. A quoi donc sert d'avoir une jeunesse instruite, qualifiée, dynamique si les portes de la responsabilité collective lui sont toujours fermées ? A nourrir, assurément, les discours démagogiques au profit des apparatchiks qui se relayent au sommet de l'Etat pour défendre des positions conçues comme un héritage. Et cette fatalité imposée durera tant que le FLN restera au pouvoir avec l'assurance qu'il ne perdra jamais le contrôle aussi bien des principales institutions que des segments stratégiques de la vie active. Pourquoi parler spécialement du vieux parti unique qui, après avoir été chassé par une révolte populaire en 1988, est revenu sur la scène comme première force politique du pays, tout simplement parce qu'il demeure d'abord le symbole inamovible du conservatisme dominant, et qu'il se trouve ensuite, de nouveau, depuis quelque temps dans l'œil du cyclone. Violemment contesté par un mouvement de redresseurs qui n'accepte plus le diktat de sa direction et à sa tête le secrétaire général Abdelaziz Belkhadem dont le pouvoir personnel est attaqué de toutes parts, le Front est prié aujourd'hui de ne plus instrumentaliser un sigle qui appartient à la révolution algérienne, autrement dit à tout le peuple. C'est le premier responsable de l'organisation nationale des moudjahidine, Saïd Abadou, qui a fait sortir cette polémique au grand jour lors du colloque sur «le fondateur de l'Etoile nord-africaine et du PPA» organisé récemment à Tlemcen. Non content de jeter un froid glacial dans la salle en qualifiant Messali Hadj de «traître» alors que jusque-là les hautes autorités du pays n'ont jamais démenti qu'il était le père de la Révolution algérienne, Saïd Abadou a ciblé frontalement l'ancien parti unique en déclarant : «Il y a une formation politique qui utilise le sigle FLN. Le vrai FLN s'est arrêté en 1962.» Bien avant le SG de l'ONM, de nombreuses voix s'étaient élevées par le passé pour faire part de la même exigence sans jamais réussir, toutefois, à faire bouger les lignes d'une organisation politique érigée au rang d'une entreprise dont les rouages semblent bien huilés. On se rappelle même que le Président de la République en personne avait demandé de faire entrer carrément le FLN au musée de l'histoire, la légitimité révolutionnaire dont se réclament ceux qui le dirigent actuellement n'étant, à ses yeux, plus de mise dans un pays qui veut se projeter dans l'avenir. Si pour Abadou, les dirigeants du vieux parti ne peuvent être que des usurpateurs puisqu'ils pilotent un «faux » FLN, en toile de fond, c'est l'avenir de la responsabilité politique dans notre pays dans un système désormais condamné à s'impliquer dans le jeu de l'alternance et du renouvellement du personnel politique qui fait débat. Au demeurant, il ne faut pas prendre à la légère la revendication des députés qui ont remis sur le tapis la question de la légitimité révolutionnaire et dénoncé la confiscation d'un sigle, patrimoine de toute une nation. A la veille de la révision de la loi sur les partis politiques, cette offensive ne paraît pas fortuite connaissant les pratiques des représentants du FLN qui sont passés maîtres dans l'art de diluer dans les pesanteurs démocratiques toute tentative d'instaurer une véritable transition démocratique qui passe nécessairement par la rupture avec le système du monopole. A la vérité, le FLN, selon l'avis des observateurs avertis, a toutes les raisons de se dresser contre ceux qui veulent lui retirer le sigle, autrement dit de faire de la résistance. Sans cette appellation qui lui a servi de label depuis l'indépendance, le vieux parti ne sera rien dans le paysage nouveau que les Algériens veulent construire avec une autre élite et surtout une autre façon de faire de la politique. Car si pour l'ancien parti unique il était plus facile de régner en s'identifiant au système Etat-Nation avec sa cohorte de militants fonctionnarisés, on l'imagine mal revêtir le même statut quand il s'agit de revenir aux fondamentaux de l'activité partisane qui ne doit compter que sur sa propre force de persuasion. On n'en est pas encore là, mais toujours est-il que les milliers d'Algériens qui continuent de croire aux réformes ne veulent plus, de manière plus générale, d'un personnel politique qui semble avoir fait son temps, et qui de surcroît n'a ni les capacités ni les convictions pour s'impliquer dans les changements. La preuve, qui bloque les réformes ? Qui bloque les changements ? La démocratie étant l'enjeu du monde contemporain, notamment dans les pays ayant connu des régimes dictatoriaux, il va sans dire que la société algérienne n'a plus le droit de se contenter d'une suprématie FLNiste qui ne sait parler qu'au passé. La monde bouge, et l'Algérie patine à cause du poids de ses conservateurs. Le dégel du FLN serait-il le vrai déclic pour repenser notre société ? Et si tout repartait de là…