Dès le début du texte de ce projet de loi préparé et présenté par le ministère de la justice, dans ses dispositions générales, puis explicitement dans son l'article 2, il est proclamé textuellement que : «La profession d'avocat est une profession libérale et indépendante qui œuvre pour le respect et la défense des droits de la défense, elle concourt à l'œuvre de justice, au respect du principe de la primauté du droit et à la garantie de la défense des droits et libertés des personnes». Ce projet comporte 134 articles dont 42 relatifs au contrôle ou à l'autorité du ministre de la Justice sur cette profession et seulement 2 consacrés au Batonnier et 9 au Conseil de l'Ordre qui sont des organes élus démocratiquement par les avocats. De plus, ils gèrent le Barreau avec pour seule ressource les cotisations de ses membres sans aucune contribution financière du ministère. Après avoir reconnu le caractère libéral et l'indépendance de la profession d'avocat, le projet vise à la mettre sous la tutelle tatillonne du ministre de la Justice et, dans certains cas de faire dépendre l'avocat du magistrat par des dispositions qui rendent impossibles les missions qui lui sont dévolues. Il convient d'abord de dénoncer le procédé par lequel sont perpétrées les violations de la loi qu'utilisent fréquemment des juristes pervertis. Après avoir proclamé un ou des principes juridiques de droit privé ou de droit international dans «l'exposé des motifs» d'un texte législatif, ils les violent dans les dispositions des articles dudit texte. Violation des missions reconnues et proclamées de la profession d'Avocat Comme ces dernières sont les seules applicables obligatoirement alors que l'exposé des motifs ne l'est pas, il en résulte que, sur le plan pratique, on aboutit concrètement à faire passer des lois contraires aux principes du droit proclamés. C'est cette méthode, intellectuellement malhonnête qui a été appliquée dans le projet sur la profession d'avocat. La simple lecture de l'article 2 donne la véritable définition de la profession d'avocat telle qu'elle est universellement reconnue. De même, l'exposé des motifs du projet reconnaît les missions de cette profession. Elles dépassent la personne de l'avocat et sont relatives au respect et à la garantie des droits fondamentaux de l'homme et les libertés individuelles et collectives. Elles concernent donc tous les justiciables d'une manière particulière, que ce soient les personnes physiques et morales aussi bien sur le plan national qu'extérieur. Toute atteinte qui leur est portée est une atteinte à tous les membres de la société. Donc, chacun d'entre eux doit se mobiliser pour assurer leur respect et s'opposer aux prétentions des rédacteurs du projet. La profession d'avocat œuvre pour la défense des droits de la défense Contrairement à l'idée répandue, ces droits n'appartiennent pas personnellement aux avocats, mais font partie des droits de l'homme tels que définis par les instruments internationaux y afférents et par les Constitutions algériennes, y compris la dernière. Ils appartiennent à chaque homme quel qu'il soit et lui reconnaissent le droit de faire respecter ses biens légalement acquis, sa liberté et, dans certains cas sa vie ; ils lui reconnaissent aussi le droit de se protéger contre l'injustice et les abus dont il peut être l'objet de la part de tiers, de l'administration, de l'Etat ou de ses démembrements. L'avocat n'est que le moyen humain qui lui permet de le faire avec une certaine efficacité, car le citoyen ordinaire ne peut connaître, compte tenu de leur complexité, toutes les procédures et les législations existantes et applicables . Au nom et pour le compte du justiciable qui lui accorde sa confiance, il se doit de remplir ce devoir en toute liberté et indépendance, en dehors de toute compromission et de toute influence de quiconque, y compris du ministre de la Justice. La défense de droit de la défense implique que l'avocat doit accepter de défendre toute personne qui fait appel à lui pour assurer sa défense quelle que soit la cause dont il aura à s'occuper, qu'il s'agisse d'affaires de droit privé ou de droit public. Concernant des affaires notamment de nature pénale, cette obligation peut poser à certains des problèmes de conscience, dont il peut éventuellement en discuter avec le Bâtonnier de l'Ordre. La profession d'avocat concourt à l'œuvre de justice c'est-à-dire à l'exercice du droit à la justice qui est aussi un droit fondamental de l'homme. L'exercice de ce droit est déjà compromis, en fait et en droit en Algérie par les atteintes à l'indépendance des magistrats. Privés de la gestion de leur profession par la composition du Conseil Supérieur de la Magistrature où ils sont minoritaires, ils vivent l'accaparement de certaines de leurs attributions légales par le ministère de la Justice du fait des pressions qu'il exerce sur eux. La récente levée de boucliers du Syndicat de la Magistrature contre l'Inspecteur général de la Magistrature qui a été révoqué en raison de l'humiliation et des persécutions dont il a usé à l'égard de magistrats en est la plus récente illustration qui a été portée à la connaissance du public. Le projet litigieux tente d'étouffer la voix libre et indépendante de l'avocat dans l'œuvre de justice à laquelle il participe, par ses conclusions écrites et sa plaidoirie, en collaboration avec le magistrat chargé de résoudre les litiges qui lui sont soumis et en exposant clairement et juridiquement le point de vue du justiciable dont il défend les intérêts. L'œuvre de justice n'existera réellement en Algérie que lorsque les magistrats algériens auront récupéré leurs attributions légales et jouiront pleinement de l'indépendance qui leur est reconnue par la Constitution et la loi, et non pas en entravant le rôle des avocats. Une vraie justice nécessite un avocat libre et indépendant face à un magistrat ne dépendant que de la loi et de sa conscience. La profession d'avocat concourt au respect du principe de la primauté du droit Le principe de primauté du droit ou Etat de droit est une situation juridique dans laquelle tout le monde doit respecter le droit aussi bien les citoyens ordinaires que tous ceux qui disposent de pouvoirs politiques, économiques ou autres. Il s'oppose à la raison d'Etat propre aux monarchies absolues, aux dictatures et aux régimes autoritaires qui l'utilisent généralement pour couvrir leurs abus et leurs dépassements. L'avocat doit veiller à ce que les droits de son mandant prévus par la loi soient respectés. Il est de son devoir de s'en prévaloir dans ses écrits et ses plaidoiries, de veiller à leur application dans les décisions de justice rendues par l'instance devant laquelle il assure sa mission de défense, et d'exercer, s'il y a lieu, toute voie de recours légale, quel que soit l'auteur du non-respect de la loi ou son instigateur, il se doit de lutter contre la violation de la loi car «Le dernier mot doit rester à la loi» est une règle qui s'impose non seulement au citoyen ordinaire mais à tous les responsables et en premier lieu au 1er magistrat du pays, dont c'est le rôle constitutionnel. Cette mission exige de l'avocat le courage de dénoncer ceux qui n'appliquent pas la loi et ceux qui ne l'exécutent pas. C'est ce rôle qui le rend gênant. La profession d'avocat doit concourir à la garantie de la défense des droits et libertés des personnes Cette mission également dérange notamment les tenants des régimes autoritaires et dictatoriaux, car elle fait de la profession de l'avocat un contre-pouvoir. Elle a pour fondement juridique la nécessité d'éviter que les gens recourent à la violence pour faire valoir leurs droits et libertés au lieu de saisir les instances de la justice pour les faire valoir. Dans une société soucieuse de sauvegarder la paix sociale par des moyens pacifiques, il est nécessaire de garanti les droits et libertés des personnes. Ces droits sont sacrés et résultent d'instruments juridiques internationaux et de la plupart des Constitutions nationales. Le rôle de l'avocat pour contribuer à leur garantie se situe au niveau de la défense de ces droits devant des magistrats qui sont importantes, malheureusement à leur corps défendant, souvent mis dans l'impossibilité pratique d'exercer leurs attributions dans ce domaine. Les émeutes locales et de nombreuses grèves ont pour origine le fait que la justice ne joue pas son rôle en tranchant les litiges, conformément à la loi et en dehors de toute ingérence, qui opposent les citoyens ou les personnes morales, notamment les syndicats aux autorités locales ou nationales ou aux employeurs. De plus, les décisions déclarant systématiquement illégales les grèves des travailleurs, surtout dans le secteur public ont déformé l'image de la justice. D'ailleurs, elles commencent à être défiées par les concernés comme ce fut le cas récemment dans le conflit social d'Air Algérie où la grève a eu lieu malgré son interdiction par le tribunal d'El Harrach, après un vote de l'assemblée générale des travailleurs. N'ayant plus confiance dans les tribunaux, les victimes d'abus ou de dépassements ou de méconnaissance de leurs droits n'introduisent plus de recours et engagent des actions souvent violentes pour se faire rendre justice. Toutes ces violences répétées, devenues presque endémiques, finiront par déstabiliser la société et le régime. Les droits et libertés des personnes devraient être défendus normalement par la possibilité de saisir les magistrats compétents. C'est dans ce cas que l'avocat contribuera le mieux à leur garantie. Il le fait aussi en exerçant des recours. On mesure l'importance des missions dévolues à la profession Le projet du ministère tend à mettre la profession d'avocat dans l'impossibilité de remplir ses missions, son rôle dans la défense des droits de l'homme et à assurer l'impunité de ceux qui les violent. Heureusement que cette impunité est, de plus en plus, remise en cause par l'évolution du droit international, sur le plan humanitaire, notamment par la création de la Cour Internationale de Justice et par les récentes résolutions du Conseil de sécurité des Nations unies et par les révoltes populaires récentes dans les pays. Interventions du ministre de la Justice dans le fonctionnement de la profession d'avocat contraires à l'article 2 du projet Dans un certain nombre d'articles, les missions de la profession d'avocat sont vidées de leur contenu et tendent à faire de l'avocat algérien un figurant dans une comédie judiciaire. Il s'agit de ceux relatifs aux interventions du ministre de la Justice en vue de contrôler et de placer sous son autorité les avocats et de s'ingérer dans le fonctionnement de la profession à tous les niveaux ; depuis l'accès à la profession jusqu'à la suspension en passant par les stades des activités des membres des barreaux. Le ministre de la justice veut intervenir : -l- Dans l'accès à la profession en s'attribuant un droit de recours contre l'admission du postulant (art.41 al 4) et d'être informé même de la désignation du directeur du stage (art 36 al 2). Il n'existe aucune justification à ces ingérences. -2- Dans l'organisation des cabinets d'avocats : en exigeant copie des statuts lors de la création des cabinets d'avocats (art 57) des cabinets groupés (art 65 al 4), des conventions de collaboration entre avocats (art 72 al 4). Il s'agit de la manière dont les avocats souhaitent organiser ensemble leur travail professionnel entre eux. Le ministre n'a rien à voir en ce domaine qui peut concerner seulement le fix pour la détermination du montant des impôts. -3- Dans la fixation de la date des élections du Conseil de l'Ordre «en cas d'empêchement» (sans que celui-ci ne soit prouvé) (art 91 al) et le recours contre les résultats des élections au Conseil de l'Ordre (art 95 al 1) qui ne le concernent nullement, il n'a aucun droit d'intervenir dans le choix des électeurs. -4- Pour remettre en cause le principe de la souveraineté des réunions des assemblées générales en se donnant le droit : de déférer leurs délibérations pour les Ordres d'avocats (art 88 a1 2), il en est de même pour les assemblées générales de l'Union nationale des avocats (art 1l2) en formulant un recours en annulation contre les délibérations du Conseil de l'Union qui est composée de l'ensemble des bâtonniers en exercice (art 104 al 3) injustifiées est injustifiables au droit des avocats, il s'agit d'atteintes de gérer librement leurs activités et leurs relations professionnelles. Cest une violation caractérisée de leur indépendance. -5- En contrôlant les décisions du Conseil de l'Ordre de chaque barreau (art 99), la procédure et les décisions du Conseil de discipline même lorsqu'il n'est pas l'auteur de la plainte et qu'il n'a pas été saisi par le plaignant (art 116 al 1, 2, 3, 4,6) chaque partie intéressée a un recours devant la Commission nationale, le ministre veut faire appel même lorsque le plaignant se satisfait de la décision du Conseil de discipline, c'est-à-dire qu'il veut être plus royaliste que le roi. -6- Dans le domaine sensible de la suspension de l'avocat, le ministre de la Justice dispose de pouvoirs exceptionnels : dans le cas où l'avocat fait l'objet de poursuites pénales ou de faute professionnelle, le ministre l'empêche d'exercer sa profession sans aucune enquête préalable (art 124) alors que cette enquête est exigée, avant toute mesure de suspension, pour les magistrats (article 65 du statut de la Magistrature) et pour les notaires (article 61 de la loi du 20 février 2006). Concernant le magistrat suspendu, il continue même à percevoir son traitement alors que l'avocat suspendu est privé de toute ressource. Interventions violant directement la liberté et l'indépendance des avocats -I- Dans le cas d'incident d'audience (article 24) Bien que l'alinéa 2 de l'article 23 dispose que «A l'audience, l'avocat ne peut être poursuivi pour ses faits, déclarations et écrits dans le cadre des débats ou de la plaidoirie», l'alinéa 1 de l'article 24 stipule : «Lorsque l'avocat commet un incident d'audience», il résulte de cette expression que c'est l'avocat qui a provoqué l'incident, avant toute décision concernant sa responsabilité. Donc, le principe de la présomption d'innocence est violé en ce qui le concerne. La seule rédaction acceptable serait : «En cas d'incident d'audience» qui ne préjuge pas de la responsabilité ni celle du juge ni de celle de l'avocat, l'incident d'audience survient lorsqu'un avocat n'est pas d'accord avec un juge et le lui fait savoir publiquement à l'audience. Il convient de rappeler, comme peuvent en témoigner les journalistes ou autres personnes qui fréquentent les audiences que certains (ou certaines) juges surtout de la nouvelle génération (pas tous) se permettent de tenir à l'audience des propos discourtois, et même parfois injurieux à l'égard des justiciables et même d'avocats. Dès lors, comment éviter des incidents d'audience avec des magistrats qui méconnaissent leurs obligations déontologiques ? En cas d'incident d'audience, le juge en fait dresser un procès-verbal par le greffier, qui est son auxiliaire, lequel aura tendance à donner la version du juge qui souvent la lui dictera. Mais il n'est pas tenu de recueillir celle de l'avocat car il n'en a pas l'obligation légale. Donc, ce procès-verbal sera incomplet. Ce procès-verbal est transmis au président de la cour qui peut saisir le bâtonnier pour prendre toute mesure à l'égard de l'avocat, sans donc avoir connu le point de vue de ce dernier, qu'il n'est pas tenu d'entendre. D'autre part, l'alinéa 1 de l'article 24 prévoit également : «L'avocat se retire de l'audience», c'est-à-dire qu'en fait il en est chassé, même s'il a d'autres affaires inscrites au rôle de cette audience. De plus, il ne sera plus autorisé à plaider devant ce juge à partir du jour de l'incident jusqu'à la fin des poursuites disciplinaires ou judiciaires. Quant aux intérêts des justiciables défendus par l'avocat poursuivi, «le bâtonnier y pourvoira», c'est-à-dire qu'il leur désignera un autre avocat pour s'en occupes sans qu'ils aient le droit de le choisir. Ainsi, l'avocat subit des sanctions avant même que sa culpabilité ne soit définitivement établie ; donc il lui est nié le droit universellement reconnu de la présomption d'innocence. Dès que le président de la cour saisit le bâtonnier du p.v relatif à l'incident, débutera une véritable procédure d'urgence dans laquelle le ministre de la Justice ne cessera d'intervenir pour faire des recours contre toute décision qui ne sera pas rendue, dans des délais stricts, qui ne tiennent pas compte de la recherche parfois de justificatifs ou de documents, et au cas où l'avocat poursuivi bénéficiera d'une décision de classement rendue par le bâtonnier ou que la décision rendue par le conseil de discipline ne sera pas agréée par le ministre. L'avocat condamné par la conseil de discipline ou, après appel du ministre, par le Commission nationale de recours verra son cabinet fermé et subira de ce fait un préjudice matériel et moral important. Il risque en outre des poursuites pénales pour outrage à magistrat, délit prévu par l'article 44 alinéa 2 du Code pénal et puni d'un an ou deux ans de prison. Ainsi, chaque avocat, en rentrant dans une salle d'audience aura suspendue au-dessus de sa tête une épée de Damoclès que le juge tiendra dans ses mains. Le but est de domestiquer et d'instrumentaliser la profession d'avocat. Il ne suffit plus au ministère de la Justice de disposer de quelques avocats devenus larbins pour des raisons personnelles ou par intérêt ou pour s'attirer les bonnes grâces des magistrats «en vue de gagner leurs affaires, il veut soumettre toute la profession. -2- Inviolabilité du cabinet d'avocat : L'article 21 alinéa 1 proclame : «Le cabinet d'avocat est inviolable» ; l'alinéa 3 ajoute que «tous actes faits en violation de ce principe sont frappés de nullité». L'alinéa 2, après avoir disposé que «toute perquisition ne peut être effectuée que par le magistrat compétent en présence du bâtonnier ou de son délégué ou après les avoir dûment avisés». Cette réserve permet au magistrat d'y procéder sans leur présence sans préciser par quel moyen le bâtonnier sera avisé, ni le lieu (son cabinet ou son domicile) ni le procédé utilisé pour le faire. Devant ces vides, il est toujours loisible au magistrat de dire dans son procès-verbal de perquisition et de saisies (éventuelles) qu'il les a avisés sans autre précision, les mentions audit procès-valable étant valables jusqu'à inscription de faux. Il est nécessaire de rappeler que l'inviolabilité du cabinet de l'avocat a pour raison non pas seulement de protéger l'avocat, mais surtout de veiller à la protection des dossiers des justiciables et au secret de leurs documents. Sa violation porte atteinte aux droits et libertés de l'homme, sous le couvert d'une mesure prise à l'encontre de l'avocat. En conclusion, les violations des missions reconnues et proclamées de la profession d'avocat et qui en constituent les fondements par les interventions du ministre de la Justice, à tous les niveaux, permettent de dire que l'adoption de texte proposé de plus jettera une chape de plomb sur cette profession. Mais surtout à travers ce projet de texte scélérat il est porté atteinte aux droits de la défense qui, selon même les auteurs dudit projet «Revêtent une importance particulière du fait qu'elles sont indissociables des droits de l'homme et des libertés...» ... et constituent «une des garanties de l'Etat de droit». Le ministère de la Justice, au lieu de s'attaquer à la profession d'avocat qui est, comme il le reconnaît formellement, par nature libérale et indépendante, ne ferait-il pas mieux de s'atteler à répondre aux préoccupations du premier magistrat du pays qui, dans le discours qu'il a prononcé à la Cour suprême lors de l'ouverture solennelle de l'année judiciaire 2008 a déclaré : «Je ne peux m'empêcher de m'interroger sur les facteurs qui font que le secteur de la justice n'est toujours pas en mesure de répondre aux aspirations de la société en termes d'efficacité et de crédibilité, en dépit des moyens colossaux que lui consacre l'Etat.» «Pourquoi l'action de la justice n'est pas palpable en matière de lutte contre la criminalité ? pourquoi la procédure suscite-t-elle tant de désespoir et de détresse ? pourquoi l'image de la justice est-elle ternie aux yeux des citoyens ?» En conclusion, il convient de rejeter le projet de loi présenté par le ministère de la Justice et d'inviter ce dernier à collaborer avec les représentants élus des avocats pour élaborer un projet de loi conforme aux missions fondamentales de la profession et de le soumettre à l'Assemblée générale de chaque Ordre d'avocats, à la Conférence nationale des avocats. Ce projet sera alors prêt à être l'objet de disposition législative par l'Assemblée nationale populaire. Nul ne peut se dire non concerné par l'indépendance et la liberté de l'avocat et donc par l'organisation de sa profession. Car nul ne peut injurier l'avenir, y compris ceux qui ont inspiré ou rédigé le projet du ministère de la Justice, les tenants du pouvoir civil ou militaire, ou les opposants au régime, car rien ne leur garantit qu'ils ne seront pas, un jour ou l'autre, dans la situation d'user de leurs droits à la profession. C'est alors qu'ils pourront mesurer l'importance d'être assistés par un avocat indépendant, au lieu d'avoir à leurs côtés un avocat instrumentalisé, soucieux de complaire aux juges, et à travers eux aux maîtres de l'heure. C'est pourquoi chaque justiciable, personne physique ou morale, a le devoir de préserver la profession d'avocat menacée par le projet de loi du ministre de la Justice et d'en demander le retrait. Aucun texte organisant cette profession ne saurait lui être imposé. Il doit avoir l'aval des intéressés et avoir sans cesse la préoccupation de respecter les missions reconnues urbi et orbi à cette profession. Amar Bentoumi. Ancien bâtonnier de l'ordre national des avocats, doyen des avocats