Produit par la BBC en 2005, Meurtre à Rome, diffusé sur FR, est un film historique dans lequel le réalisateur David Stewart s'intéresse aux débuts d'un jeune avocat nommé Ciceron. Les faits se déroulent en 81 avant Jesus-Christ et le jeune Marcus Tullius Cicero a été commis d'office pour la défense de Sextus Roscius le jeune, accusé d'avoir tué son père, Sextus Roscius l'ancien. L'affaire, un parricide, est grave et l'instruction rapidement menée est accablante pour le présumé coupable. Ciceron posera pourtant sa fameuse question, lancinante dans ce procès, et qui fera date dans les annales judiciaires : Cui Bono ? Autrement dit, à qui profite le crime ? Sextus Roscius l'ancien, la victime, est un richissime propriétaire terrien dont les terres suscitent de fortes convoitises. L'homme mène grand train et il a une réputation sulfureuse de débauché qui fait honte à son fils, Sextus le jeune, qui exploite les biens de la famille à la sueur de son front. L'insouciant noceur est assassiné au sortir d'un banquet. Sextus le jeune, très vite arrêté, est donc accusé d'avoir attiré son père dans une embuscade pour se débarrasser de lui et faire main basse sur ses possessions. Ciceron examine les faits et observe tout de suite que la culpabilité de Sextus le jeune arrange beaucoup de personnes. Au moment même où Sextus l'ancien était assassiné, son nom était inscrit sur une liste noire de citoyens dont les biens devaient être confisqués et vendus aux enchères publiques. Les terres riches, les dizaines de fermes de Sextus le vieux sont acquises pour une bouchée de pain par un certain Magnus qui est l'âme damnée de Capiton, grand intendant de Sextus l'ancien et en même temps son cousin. La conspiration est claire dans l'esprit de Ciceron et elle suscite donc ce questionnent : Cui Bono ? Le procès se déroule en plein Forum, à Rome, dans des séances publiques qui attirent un public attiré par les relents de scandale qui pèsent sur cette affaire ténébreuse. Les Sextus, père et fils, font figure de boucs émissaires sacrifiés aux appétits d'ennemis retors et calculateurs. Ciceron, investigateur avisé, a fait des recoupements qui l'ont conduit au sommet de l'Etat pour élucider le meurtre de Sextus l'ancien. Le cerveau de la conspiration n'est autre que Chrysogonus, esclave grec affranchi par le dictateur Sylla qui en a fait l'exécuteur de ses basses œuvres. C'est Chrysogonus qui a ajouté le nom du vieux Sextus sur les listes noires et activé son assassinat avec la complicité de Capiton et de Magnus. La plaidoirie de Ciceron emporte la conviction du jury qui acquitte Sextus le jeune. Ce thriller digne d'Hitchcok, avec le thème du faux coupable, allait lancer Ciceron dans la vie politique de Rome. Le jeune avocat, d'une érudition supérieure qui en fera le philosophe de son temps avec des œuvres marquantes comme De Funibus ou La République, ne tardera pas à briguer le pouvoir. En 63 avant J.-C., Ciceron est élu Consul. Il gouvernera peu de temps car les intrigues de ses ennemis parviendront à lui substituer un triumvirat où se distinguent deux adversaires féroces, César et Pompée. La guerre civile va les départager : César devient le nouveau dictateur de l'Italie. Ciceron, qui avait pris le parti de Pompée, s'enfuit. Il ne reviendra à Rome qu'après l'assassinat de César. Mais Rome est désormais sous la poigne de Marc-Antoine qui, après avoir utilisé politiquement Ciceron, a décidé de sa perte : Ciceron est assassiné sur ordre de Marc-Antoine qui pousse la cruauté jusqu'à exposer les mains tranchées du consul-philosophe à Rome. Dans le film de David Stewart, on est frappé par la modernité de ce personnage qui préfigure bien des héros de la littérature, du cinéma et de l'histoire d'aujourd'hui. Ciceron était le produit de son époque autant qu'il avait pu l'infléchir et ce procès de Rome, en 81 avant J.-C., aurait tout aussi bien pu nourrir l'intrigue d'un polar actuel. Ciceron incarne par ailleurs la figure du politicien au long cours, de l'auteur à succès dont la philosophie progressiste comporte des résonances contemporaines. Entré ainsi dans l'histoire universelle par plusieurs portes à la fois, il pose avec sa performance de jeune avocat le fondement d'un genre qui s'appuiera, même chez Shakespeare, sur sa célèbre question : Cui Bono ? Il le vérifiera à ses dépens, car son assassinat profitera à Marc-Antoine, tyran autoproclamé de Rome.