La question revient de manière récurrente sur le devant de la scène. Elle suscite la polémique. Puis elle disparaît pour resurgir à nouveau quelques années plus tard. C'est pourtant une revendication même de ceux qui étaient au cœur de la guerre de Libération nationale ; des acteurs connus et reconnus pour leurs faits d'armes et leur engagement au premier front pour libérer l'Algérie du joug colonial. L'enjeu étant la fin de la légitimité historique et la restitution du sigle «FLN» à la mémoire collective. Cette fois encore, à l'occasion du 57e anniversaire du déclenchement de la guerre de Libération nationale, le 1er Novembre 1954, des voix s'élèvent pour exiger la protection d'un patrimoine national si cher à tous les Algériens : le FLN historique. Pourquoi formuler, aujourd'hui, une telle demande qui sonne comme «un blasphème» dans les oreilles des responsables du parti FLN actuel ? Est-il si facile de se débarrasser d'un véritable appareil politique qui a fini par être confondu avec l'Etat algérien ? A la veille du cinquantenaire de l'indépendance de l'Algérie, le débat mérite d'être ouvert… Citoyens, militants du FLN, hommes politiques se prononcent, sans tabou, sur une très vieille question qui demeure encore sans solution. Des fondateurs du FLN et des leaders ayant lutté sous la coupe du Front de libération nationale, rappelons-le, ont eu le courage de ne pas se mêler, avec humilité et dans un souci de préserver l'honneur du glorieux sigle, aux jeux malsains de la politique. Les Boudiaf, Aït Ahmed, Krim Belkacem… ont quitté, immédiatement après l'indépendance, le giron du FLN pour lancer leurs propres formations politiques sous d'autres noms. Pour eux, le FLN avait accompli sa mission qui était, exclusivement, la libération du pays. Ils n'ont pas été écoutés. La suite est connue de tous : le fleuve a été détourné et les responsables du FLN post-indépendance ont régenté, des années durant, la vie politique nationale. Quand Abadou fait sortir Belkhadem de ses gonds La demande de mettre le FLN au musée de l'histoire n'aurait peut-être pas suscité tant de polémique aujourd'hui si elle n'avait pas émané de Saïd Abadou, le secrétaire général de l'Organisation nationale des moudjahidine (ONM) et non moins ancien ministre. Soit une voix qui a son poids dans les rangs de ce qui est appelé la famille révolutionnaire. «Il y a une formation politique qui utilise le sigle FLN. Le vrai FLN s'est arrêté en 1962. Aujourd'hui, ce FLN est un parti. Durant la Guerre de libération, le FLN était un front qui regroupait des tendances idéologiques algériennes pour libérer le pays. Il faut faire la différence. Il est utile de préciser que même la Constitution exige des partis politiques l'adoption des principes du 1er Novembre 1954», avait déclaré Saïd Abadou lors d'une conférence animée il y a quelques semaines à Alger. La déclaration est perçue par la direction du FLN comme une attaque frontale. Faisant le lien entre l'appartenance politique de Saïd Abadou, qui est un militant du RND, le secrétaire général du FLN, Abdelaziz Belkhadem, crie au «complot». Il tire alors à boulets rouges sur le parti d'Ahmed Ouyahia qui compose avec lui, pourtant, l'Alliance présidentielle. Lors d'un meeting organisé le 29 octobre à Alger, Abdelaziz Belkhadem sort de ses gonds et s'attaque frontalement au RND : «Ces appels à mettre le FLN au musée, on les a entendus après 1988. La demande a été formulée par le courant dit démocratique. Il n'a pas réussi. Aujourd'hui, la mission a été confiée à un autre parti, qui appartient au courant nationaliste.» Le coup semble tellement dur que le SG du FLN n'arrive plus à se maîtriser : «A quoi rime cette campagne contre le FLN ? Pourquoi le FLN dérange-t-il ? Pourquoi parle-t-on seulement du FLN ?», s'interroge-il, en traitant le RND «de parti qui a pris le train en marche». Après avoir longtemps revendiqué le patrimoine du FLN historique, Abdelaziz Belkhadem tente de rectifier le tir ces derniers jours. «Il y a le FLN historique qui appartient à tous les Algériens et le FLN parti qui appartient à ses militants», clame-t-il. Mais l'explication ne résout pas le problème. La confusion est toujours là. Le fonds de commerce aussi. Des citoyens interrogés sont partagés sur la question. Les militants du FLN se disent contre la disparition du sigle. «Je pense qu'il faut libérer d'abord le FLN. La problématique ne réside pas dans l'utilisation de ce sigle. Le FLN doit être considéré non comme un appareil de l'Etat, mais en tant que parti politique qui s'engage dans les joutes électorales comme tous les autres. Je suis contre la disparition du FLN, mais il faut le libérer des opportunistes qui l'utilisent comme un moyen d'arriver au pouvoir et à l'enrichissement personnel», estime Lyes Boumelta, jeune militant du FLN. Des citoyens sans appartenance politique pensent le contraire. Pour Belaïd Bellal, jeune cadre dans une entreprise, «le FLN appartient à tous les Algériens et son image doit être préservée». «Je demande à ce qu'il soit protégé par la Constitution algérienne de toute manœuvre politique et partisane», dit-il. D'autres personnes interrogées pensent que le mal de l'Algérie dépasse la question de la disparition du sigle FLN.