L'association Somoud, des familles des victimes enlevées par les Groupes islamistes armés ainsi que SOS Disparus ont joint leurs efforts pour exiger des pouvoirs publics l'« ouverture des charniers et la vérité sur les disparus ». Dans une conférence de presse animée au siège de SOS Disparus à Alger, M. Merabet, président de Somoud, a tenu à expliquer que « la recherche des corps des disparus est le lien qui relie son organisation à SOS Disparus ». Il ajoutera : « Selon les termes des conventions internationales, nous sommes devant des cas de disparitions forcées. La question des auteurs de ces enlèvements ne se posera qu'une fois les corps de nos proches disparus seront retrouvés. » Devant un parterre composé surtout de militants de SOS Disparus, M. Merabet s'est déclaré « inquiet face au silence » des autorités à l'égard de la gestion de ce dossier. « Nous n'avons pas de problèmes avec les terroristes. Qui aurait dit que le président de Somoud reçoive un terroriste dans son bureau, que des familles de terroristes viennent le voir ou que des repentis lui proposent leur aide pour retrouver les corps des victimes enlevées par les Groupes islamistes armés ? Aujourd'hui, je n'ai aucune haine à l'égard de ceux qui ont enlevé mes deux frères. Ma haine est plutôt ressentie à l'égard de l'Etat qui ne veut rien faire pour ouvrir les charniers. » Le conférencier a rappelé que son association, créée en 1997, milite pour que les familles puissent faire leur deuil. Il a dénoncé les dernières opérations d'ouverture de charniers à travers quelques régions du pays en affirmant qu'elles répondent à un objectif politique. « Nous voulons récupérer les ossements de nos victimes. Or, eux, ils ne font que les cacher. Aucun effort pour identifier les corps n'a été fait. » Abordant la question de ses contacts avec le président de la Commission nationale de la promotion des droits de l'homme (CNPDH), Me Farouk Ksentini, M. Merabet a révélé que cette commission n'a jusqu'à présent qu'une liste de 300 victimes recensées au centre du pays seulement. « Nous savons qu'il y a au moins 10 000 personnes enlevées par les terroristes. Ksentini n'a qu'à demander au ministère de l'Intérieur de lui remettre la liste. Nous savons qu'il n'a aucun pouvoir au sein de la commission. Ceux qui ont ce pouvoir veulent juste nous utiliser pour répondre à ceux qui accusent les militaires d'être derrière les tueries. » Il a révélé avoir recensé 17 puits uniquement dans la région de Sidi Moussa. Deux ont été ouverts. « Dans le premier, neuf corps ont été retrouvés et seulement trois ont pu être identifiés. Les autres ossements ? On ne sait toujours pas où ils ont été emmenés. Ce que vous achetez comme fruits et légumes a été irrigué avec le sang de nos proches enterrés dans les prairies de la Mitidja. Chaque jour que Dieu fait, des agriculteurs déterrent des ossements à Fouka, à Larbaâ, à Sidi Moussa, et à Ouled Allel. » Akel Zahia, secrétaire générale de SOS Disparus, a appelé les associations et toutes les familles des victimes de disparition à « unir nos efforts et à dépasser les luttes intestines pour la vérité et la justice ». « Nous sommes les otages de l'Etat qui veut à tout prix étouffer ce dossier », dira-t-il. Pour sa part, Ferhati Hassen de SOS Disparus a dénoncé les pressions et ce qu'il a qualifié de « manœuvres » opérées par la commission de Ksentini pour obliger les familles à signer des documents. « Dans ces documents, il est question d'accepter de prendre une indemnisation, alors que, officiellement, ils parlent d'aide sociale. De plus, ils refusent de délivrer une copie signée aux familles. Ils veulent que les familles ne revendiquent plus leur droit à la vérité et à la justice. » Mme Nacéra Dutour, porte-parole de SOS Disparus, a longuement parlé du combat des familles pour connaître le sort de leurs proches portés disparus. Sur la question de l'absence de représentantes de l'ANFD (une autre association de familles de disparus), Mme Nacéra Dutour a précisé qu'il n'existe « aucune divergence ». « Juste que la conférence a été organisée à la dernière minute et que peut-être l'invitation ne leur est pas parvenue », tient-elle à préciser. Elle a reconnu que « quelques » familles ont accepté de prendre « une indemnisation », mais démenti les propos de Me Farouk Ksentini selon lesquels une bonne partie de ces familles a accepté le principe d'indemnisation.