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Les Algériens préfèrent donner la priorité à l'électronique plutôt qu'à la manufacture Amar Takdjout. Secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs du textile et du cuir
L'importation de la friperie sera désormais interdite au grand bonheur des industriels locaux du textile, eux qui se sont fermement opposés à son autorisation. Toutefois, le pari n'est pas gagné, selon le secrétaire général de la Fédération nationale des travailleurs du textile et du cuir, Amar Takdjout, tant que les mesures prises par le gouvernement dans le cadre de la relance du textile national ne sont pas appliquées. - Quelle lecture faites-vous de la loi qui interdit l'importation des vêtements usagés (friperie), vous qui avez toujours dénoncé son autorisation ? Il est anormal qu'une assemblée consacre plus de temps à parler d'importation de la friperie plutôt qu'à trouver des solutions à caractère économique, pour rendre le pays productif et créateur de richesses. Ce qui est frappant dans cette démarche, c'est cette contradiction entre l'Exécutif et la majorité parlementaire. Le premier décide de relancer le secteur du textile en mettant en place des mécanismes de relance de l'industrie, en dégageant des fonds d'investissement et en favorisant la formation. Les parlementaires, eux, optent pour l'inverse. Cette «légèreté» est en contradiction avec ce qui a été décidé auparavant, à savoir la réduction de la facture d'importation. Il ne faut pas oublier que nous sommes dépendants de 95% à 98% de l'étranger. Il suffit d'un rien, que le prix du pétrole chute, par exemple, pour que l'Algérie tombe dans la récession. Par ailleurs, je ne peux que saluer la loi qui interdit l'importation des vêtements usagés, car, pour une fois, le gouvernement algérien a donné plus d'importance à la machine industrielle. - Qu'en est-il des décisions prises en début d'année pour la relance de l'industrie nationale du textile ? Les pouvoirs publics ont décidé, en mars dernier, de relancer la manufacture. Des assainissements et des aides financières sont prévus par la loi, vu le matériel obsolète qui date des années 1970. J'espère que les décisions vont enfin être appliquées, comme le stipulent les textes de loi. - Vous estimez qu'on a mis du retard dans l'application de ces mesures… Chez nous, on prend des décisions qu'on oublie. Sept mois après un tapage sur la relance du textile, on piétine. On ne voit pas les choses venir, chaque jour qui passe, c'est de l'argent perdu. - Que pensez-vous de la décision de rouvrir les entreprises publiques fermées depuis plusieurs années ? Ceci ne peut être que du pain béni pour notre secteur et pour la production nationale. Depuis quelque temps, le projet de relancer ces entreprises publiques a été réfléchi, notamment pour les filatures de Aïn El Beïda, de Meskiana, et l'usine de Chéraga qui va être rouverte très prochainement. Cette dernière sera consacrée à la fabrication des chaussures et de l'habillement. Par ailleurs, l'extension de l'usine de Rouiba de déchets et du cuir verra le jour dans les mois à venir. - Que proposez-vous pour remédier aux défaillances de la production nationale du textile ? En premier lieu, je recommande l'organisation de l'abattage qui ne répond aucunement aux normes. Il est bon de préciser que plusieurs millions de dinars sont récoltés grâce aux opérations d'abattage d'ovins, en dehors des abattoirs. Ces peaux d'ovins sont exportées vers l'étranger. Ceci n'est qu'un exemple d'une matière première très convoitée par nos voisins méditerranéens, qui se trouve chez nous et dont nous ne profitons pas. Combien l'Algérie récupère-t-elle de ces peaux ? On laisse la voie libre aux spéculateurs, aux collecteurs et tanneurs clandestins pour exporter de manière frauduleuse, et l'économie nationale n'en tire aucun profit. En amont, on doit d'abord organiser l'élevage en créant au moins un abattoir par wilaya, ce qui permettra également de créer des postes d'emploi. Les jeunes pourraient ainsi investir, acheter des camions et faire de la collecte de peaux dans les régions pastorales, de manière légale. - Le secteur du textile algérien dispose-t-il de moyens humains ? Il faut tout simplement former. La formation existait par le passé. A titre d'exemple, je citerai l'institut de Boumerdès qui formait des ingénieurs en textile, en maintenance et des techniciens. Ceci n'est plus d'actualité, car on avait décidé de fermer des usines dans l'optique de la liquidation. Par ailleurs, les Chinois ont envahi le monde, mais de manière intelligente. Ils ont commencé par la manufacture avant de passer aux secteurs plus compliqués. Chez nous, certains économistes suggèrent d'encourager la production de voitures et des produits électroniques, en omettant les produits plus accessibles. Les Algériens préfèrent donner la priorité à l'électronique plutôt qu'à la manufacture. - Quelles sont les difficultés que rencontrent les industriels du textile ? La bureaucratie, en premier lieu. En plus d'être un secteur peu rentable, le textile en Algérie est monopolisé par les importateurs. L'industriel, lui, paye les impôts, les charges, les salariés, etc., contrairement aux spéculateurs qui multiplient leur gain de jour en jour. Moi, je plaide pour un pays productif, car nous avons un système de sécurité sociale et de retraite basé sur la solidarité. Ce système peut tomber à n'importe quel moment si on continue à favoriser uniquement les importations et la clandestinité. - Qu'en est-il du cuir ? Une partie de cette matière première est exploitée légalement, mais à un taux infime. Or, nous avons de tout temps dit que l'Algérie ne parvient pas à exporter, car on réalise moins d'un milliard de dollars par an, hors hydrocarbures. Notre pays dispose d'une quantité importante de cuir si elle est collectée et transformée de manière légale. Nous avons de quoi exporter pour longtemps. Je tiens à préciser que le liège est également touché par l'exportation frauduleuse. - Mais si l'exportation frauduleuse continue de se faire au vu et au su de tous, c'est que des lobbies forts sont derrière ces opérations… Il existe des lobbies à tous les niveaux de l'économie nationale, dans la friperie, dans la mécanique, dans les médicaments… Lorsqu'on n'a pas de politique industrielle, les lobbies se forment et s'organisent. - Comment pourrait-on en finir avec la fraude ? Les autorités doivent mettre en place des mécanismes de suivi rigoureux des entreprises, car nous n'avons pas le droit d'octroyer des aides et des facilités et laisser les choses sans contrôle. Qu'on cesse de placer des amis et des proches à des postes de responsabilité. Il s'agit de l'économie nationale et de l'argent du contribuable, l'argent du pétrole appartient à tous les Algériens. Par ailleurs, il est urgent de réfléchir à l'organisation du patronat qui ne parle pas encore la même langue. Les patrons de l'industrie du textile doivent s'organiser en fédération et apporter des contributions, pour qu'ils soient audibles, car tant qu'ils sont invisibles et vulnérables, la corruption est favorisée et le secteur est fragilisé davantage. - Pensez-vous que le consommateur algérien favorisera les produits locaux en matière de textile ? Le devoir de l'industriel est de mettre ses produits à la disposition des consommateurs, tout en les mettant en valeur. Il faut avoir une politique culturelle et solliciter les jeunes designers et créatifs pour créer des modèles et décorer les boutiques pour attirer les clients. Ceci donnera aux jeunes leur espace dans leur pays. Sinon, on continuera à exporter notre jeunesse aussi.