Quatre peintres d'Alger dans la galerie d'art la plus originale du pays. A une encablure de la frontière avec le Maroc devenue une impasse balayée par les remontées de sable du Sahara, dans la petite ville de Maghnia qui a pris son nom de sa légendaire patronne spirituelle, personne n'aurait imaginé l'admirable acharnement d'un groupe d'artistes locaux dont on ne louera jamais assez le travail et le sens de l'initiative. Loin du désespoir mais aussi de la passivité de nombreux artistes algériens, ils ont su s'unir, concevoir un projet qui paraissait irréaliste et le réaliser. Ils ont su ainsi convaincre l'Assemblée populaire communale de Maghnia, l'une des rares du pays dont le conseil culturel est actif, de leur confier l'église de la ville qui menaçait ruine et faisait l'objet de nombreuses convoitises. L'édifice, situé en plein centre-ville, a été rénové avec l'aide de l'APC et le concours de volontaires. Rendu à nouveau utilisable, il est devenu le lieu d'art le plus éloigné de la capitale et, probablement, le seul en Algérie qui soit né de la seule imagination et volonté d'un groupe d'artistes et de quelques amoureux de l'art. Il abrite aujourd'hui la galerie Riwaq El Fen où exposent les peintres et autres artistes de Maghnia. Mais, de plus en plus, il accueille des artistes des autres régions d'Algérie. Cette semaine aura lieu le vernissage de l'exposition d'un quatuor algérois talentueux composé de Moussa Bourdine, Rachid Djemaï, Valentina Ghanem et Mustapha Nedjaï, aux styles différents mais que lient des connivences artistiques et personnelles fortes. Né en 1946, Bourdine qui se présente volontiers comme un enfant du Clos-Salembier (auj. El Madania) a étudié à la Société des beaux-arts d'Alger de 1966 à 1969. Sa première exposition personnelle remonte à 1968 à la défunte galerie Mouloud Feraoun. Depuis 1985, il vit exclusivement de son art, marqué aux origines par l'influence d'Issiakhem mais qu'il a su magnifier à travers un style personnel qui demeure essentiellement semi-figuratif. Né en 1947, Djemaï a étudié à l'Ecole d'architecture et des beaux-arts d'Alger puis dans une académie d'art de San Francisco. Son univers pictural, léger et dépouillé, oscille entre impressionnisme et abstraction, mouvement dont il tire des créations marquées par l'économie des formes et la sensibilité des couleurs aux limites de l'aquarelle. Valentina Ghanem, née dans une famille d'artistes russes, a étudié à l'Ecole des beaux-arts d'Odessa avant d'enseigner l'art de 1977 à 1980. En 1981, elle «épouse» l'Algérie où elle vit et travaille depuis, fidèle à sa maîtrise académique qui s'épanouit dans des figurations dont le traitement rappelle parfois l'Art nouveau et le cubisme. Mustapha Nedjaï, le plus contemporain des quatre, est né en 1957 à Zemmoura. Il a étudié à l'Ecole supérieure des beaux-arts d'Alger puis à la Faculté des beaux-arts de Valence (Espagne). C'est un des créateurs les plus affirmés de sa génération, combinant la richesse d'une réflexion sur son art à une pratique qui libère son imaginaire à la fois tourmenté et exubérant. Ces peintres, qui composent une palette riche et contrastée, ont de quoi enchanter les visiteurs de Maghnia où leurs œuvres séjourneront du 17 novembre au 7 décembre. Ils pourront surtout échanger avec leurs pairs de la ville et leur apporter le soutien chaleureux qu'ils méritent.