Les piliers et les cloisons de séparation des habitations ont été, dans la majorité des cas, supprimés par les propriétaires des commerces. Des centaines de logements à usage d'habitation ont été transformés ces dernières années en locaux commerciaux au centre ville de Boumerdès et autres localités de la wilaya. Les rez-de-chaussée des villas qui font le charme de la ville de l'ex-Rocher noir ont laissé place à de grands magasins qui ne répondent à aucune norme. Ces locaux qui sont érigés en violation d'une panoplie de lois font peser de réels dangers sur la vie des résidents des étages supérieurs. Les piliers et les cloisons de séparation ont été, dans la majorité des cas, supprimés par les propriétaires des commerces. Ce qui n'est pas sans conséquences sur la solidité des blocs, dont la plupart risque de s'écrouler à la moindre secousse. Ce phénomène qui se fait en violation des lois régissant la copropriété et les constructions implantées dans les zones sismiques ne semble pas inquièter aucune autorité. Pourtant, en juin 2001, le wali avait instruit le président de l'APC de Boumerdès à ne plus délivrer d'autorisations pour l'ouverture de locaux commerciaux en lieu et place d'un appartement. Mais le monde aura remarqué que c'est le contraire qui s'est produit. Le phénomène a connu une cadence accélérée depuis le séisme de 2003. Le centre ville a subi des transformations sans précédents, et n'offre plus l'image d'une agglomération résidentielle. Les appartements du rez-de-chaussée ont été supplantés par des locaux abritant toute sorte d'activités, comme ce fut le cas au niveau du centre ville, ou les cités des 392 et 1200 Logements et autres blocs donnant sur la rue. C'est ainsi que l'on a assisté aux foisonnements des escaliers métalliques, des pare-soleil et des panneaux publicitaires installés au dessus des balcons, avec tous les désagréments qu'ils avaient générés pour les habitants avoisinants. Mais le comble c'est que ces modifications ne se sont basées sur aucun texte juridique. Les bâtiments en question sont en copropriété régie par la loi et les textes y afférents, notamment les articles 743, 748, 749, 756 du code civil, le décret n 83-666 du 12 novembre 1983 fixant les règles relatives à la copropriété et à la gestion des immeubles collectifs. La législation foulée aux pieds La modification des immeubles dont la propriété est répartie entre plusieurs personnes a été donc interdite par plusieurs articles de loi. Le décret n 76-63 du 25 mars 1976 relatif à l'institution du livret foncier et les textes inhérents stipulent dans les articles 19-31, 32, 66, 67, 68, 71 que dès lors que la destination de l'immeuble est fixée, toutes les clauses des actes juridiques qui en régissent l'usage doivent être adaptées sous peine de nullité. L'article 25 du décret n 76-146 portant règlement-type de copropriété des immeubles bâtis et des ensembles immobiliers divisés par fractions, précise que les appartements seront strictement réservés à l'habitation. De même que pour l'article 749 du code civil qui interdit de porter atteinte à la destination de l'immeuble, c'est-à-dire ce à quoi doit servir. Mais le comble dans tout ça c'est que la quasi-totalité des commerces ont été ouverts sur une simple autorisation délivrée par l'APC ou l'administration de wilaya. Ce qui est contraire aux textes législatifs, tels que l'article 45 du décret exécutif 94-59, qui stipule que seul l'administrateur désigné par les copropriétaires ou le gestionnaire de l'immeuble sont responsables de tout ce qui touche à l'appartement. Donc, aucune institution ou administration ne peut déroger à la loi en délivrant des autorisations pour changer sa destination. Les responsables locaux sont en effet appelés à veiller à l'application rigoureuse de la loi 90-29 du 1er décembre relative à l'aménagement et l'urbanisme qui exige un permis de construire pour toute modification touchant aux façades donnant sur l'espace public. Or aucun commerçant ne dispose, selon nos sources, de cet acte. Pis, la réglementation (loi n 04-08 du 14 août 2004) interdit l'exercice d'une activité commerciale, la fourniture de marchandises et les prestations qui portent préjudice à la santé et à la sécurité de la population et/ou à l'environnement dans les immeubles à usage d'habitation. Mais cette loi et tant d'autres ne sont que du noir sur blanc et n'ont jamais été exécutés sur le terrain. Sinon comment explique-t-on le fait d'ouvrir des gargotes, des boulangeries et des restaurants au dessous d'immeubles habités, en exposant la vie de familles entière à rude épreuve en raison des odeurs qui s'y dégagent à longueur d'année. Risques d'effondrement Pour cela, n'est-il pas loisible de construire des centres commerciaux et de dégager des espaces spéciaux pour l'exercice de ce genre d'activité très nuisible pour la santé des citoyens.Aujourd'hui, l'on ne peut que se demander sur quel base s'est-on appuyé pour la délivrance de registres de commerce à ceux qui tendent à changer la ville en un marché où tout se vende et s'achète. En sus de cela, il est à noter que même les règles parasismiques algériennes, révisées après le séisme de 2003, déconseillent l'utilisation des étages souples et interdisent toute démolition des cloisons du bas étage. Ceux-ci doivent être renforcés pour éviter les risques d'effondrement. La loi en la matière considère les gros mûrs de façade comme une partie de l'ossature du bâtiment. Mais l'on a constaté que la plupart sont détruits et remplacés par des vitres au niveau du rez-de-chaussée, comme c'est le cas à la cité des 392 Logements du chef-lieu de la wilaya. Les expertises faites après le séisme de 2003 par des spécialistes étrangers et le ministère de l'Habitat ont aboutit au fait que «les immeubles les plus touchés présentent un caractère commun : R+3 ou R+4 dont le rez-de-chaussée transparent étaient destinées à des commerces comme à Boumerdès ou à des parkings comme à Dellys. Et donc ne possédaient pas de contreventement. La rupture s'est produite généralement dans la zone critique des poteaux de section insuffisante ou à cause du non respect de dispositions constructives». Les spécialistes avaient conclu que «les occupants de bâtiment ayant un rez-de-chaussée aménagé en petits commerces ont été souvent victimes de la première secousse». Aujourd'hui, d'aucuns espèrent à ce que les lois précitées soient appliquées rigoureusement pour stopper la clochardisation du tissu urbain et la détérioration du cadre de vie des citoyens. Pour cela, l'APC et la wilaya doivent cesser de délivrer des autorisations factices et en totale contradiction avec la réglementation en vigueur pour permettre à ceux qui sont trop intéressés par le gain de transformer un logement en un restaurant ou autre chose, en exposant des centaines de vies humaines au danger.