Longtemps ignorés, voire humiliés par les pouvoirs publics et traqués par les terroristes, les patriotes et les groupes de légitime défense vont enfin sortir la tête de l'eau. En effet, des sources sûres confient que le gouvernement s'apprête à présenter un projet loi fixant les conditions et les modalités d'octroi d'une pension permanente à cette catégorie de citoyens pour « services rendus à la République ». Ce projet qui a été élaboré par les représentants des ministères de la Justice, des Finances, de la Solidarité nationale et du Travail devrait être adopté prochainement par les conseils des ministres et de gouvernement avant d'arriver au Parlement à l'ouverture de sa session de printemps. Ce texte réglementaire, premier du genre pour cette frange de citoyens ayant volé au secours de la République durant les années de braises, fait partie de l'arsenal juridique qui devrait donner corps à la charte pour la paix et la réconciliation nationale. Il faut noter au passage que la charte de M. Bouteflika évoque explicitement le vocable « patriotes ». Ce qui constitue d'après nos sources la première « réhabilitation officielle » de cette catégorie de résistants qui a été laminée par moult pressions. Comme la charte pour la paix et la réconciliation fait tout de même la part belle aux anciens terroristes, il fallait donc concéder quelques avantages à ceux qui avaient pris les armes pour défendre le pays contre les premiers cités. C'est, d'après nos sources, l'arrière-pensée qui a sous-tendu la consécration d'un texte juridique accordant une rente aux patriotes et groupes de légitime de défense. Aussi, le lobbying du chef du gouvernement Ahmed Ouyahia aurait été pour beaucoup dans la réhabilitation de ces résistants qui constituent par ailleurs les gros des troupes de son parti, le RND. Dix ans après Mohamed Sellami... Ironie de l'histoire, la reconnaissance officielle du rôle des patriotes à travers cette réparation matricielle sous forme de pension intervient quelques mois après la célébration du dixième anniversaire de la mort du pionnier de cette « corporation », Mohamed Sellami, assassiné par les terroristes à Haouch Gros. Ce fut ce valeureux homme qui avait lancé en 1996 l'idée de la résistance civile contre l'hydre intégriste qui menaçait alors les fondements de l'Etat. Plus de 80 000 hommes aussi courageux que lui avaient par la suite pris les armes pour la même cause, prêtant main-forte aux forces combinées des services de sécurité. A l'époque, ces gens étaient portés au pinacle par les pouvoirs publics qui diffusaient en boucle, à la télévision et à la radio, le message des « Rijal Waqifoun » (des hommes debout) présentés comme étant les gardiens de la République. Mais une fois l'Algérie apaisée, l'Etat a tourné le dos à ces combattants. En 2000, la vague de désarmement des patriotes déclenchée par les pouvoirs publics a désillusionné plus d'un au moment où leur moral était déjà en berne, suite à l'adoption de la loi sur la concorde civile et surtout la grâce amnistiante qui avait redonné du poil de la bête aux repentis. Les patriotes avaient tenté en 2002 de se défendre légalement en créant la Coordination des patriotes algériens et de légitime défense (CPALD), en vain. En désespoir de cause, ce corps, juridiquement inclassable, s'est désintégré sous les coups de boutoir qui lui ont été portés. Certains de ses éléments s'étaient recyclés dans le gardiennage des entreprises tandis que d'autres font le pied de grue devant les administrations pour un éventuel job de fortune. Il en est ainsi le cas de ces patriotes de la Mitidja dont les contrats de travail à l'établissement de navigation aérienne n'ont pas été renouvelés dernièrement. Ayant perdu la solde de 11 000 DA qu'ils percevaient du temps où ils écumaient les maquis, ces derniers se retrouvent sans le sou depuis plus de six mois. C'est dire que le projet de loi de M. Bouteflika a au moins ce mérite de réparer une grosse injustice faite à ces gens qui étaient aux avant-postes pendant que les autres ont pris la clé des champs.