Le nouveau gazoduc Northstream mis en service le 11 novembre, reliant la Russie à l'Allemagne, n'aura, à première vue, pas d'impact direct sur la position de l'Algérie en tant que fournisseur traditionnel du vieux continent en gaz, comme l'attestent des experts nationaux et étrangers. Et pour cause, les exportations gazières algériennes sont principalement destinées au sud de l'Europe, alors que le Northstream va desservir l'Europe de l'Ouest. Pourtant, la dépendance de plus en plus élevée du continent envers la Russie, qui est déjà son premier fournisseur, a de quoi inquiéter à en croire la presse européenne. «Le projet va renforcer la dépendance de l'Europe envers la Russie», souligne l'agence Reuters, tout en citant une experte allemande pour qui il s'agit davantage d'une relation d'interdépendance que de dépendance simplement. «Si l'Europe a besoin du gaz russe, la Russie a besoin, elle, des devises européennes», estime Claudia Kemfert. Le nouveau gazoduc va sécuriser les livraisons de gaz vers l'Europe de l'Ouest en évitant de passer par l'Ukraine et la Pologne. L'Europe est en effet restée traumatisée par les crises répétées entre l'Ukraine et la Russie qui avaient conduit notamment durant l'hiver 2009 Moscou à couper l'approvisionnement à l'Europe de l'Ouest. Mais d'ici à la fin de 2012, le nouveau gazoduc pourra fournir 55 milliards de mètres cubes aux consommateurs européens, de quoi renforcer davantage la position russe sur le marché gazier européen et réduire la marge de manœuvre pour les autres exportateurs gaziers actuels et potentiels, dont l'Algérie. Selon l'Agence internationale de l'énergie (AIE), la demande européenne de gaz devrait augmenter de 50% d'ici 2020, et selon le gouvernement russe, le pays pourrait fournir d'ici là 70% du gaz importé par les pays européens. «D'ici à 2030, le flux de gaz arrivant en Europe à travers les gazoducs de Gazprom pourrait atteindre 50% de l'ensemble des importations européennes ; c'est un motif de préoccupation pour la sécurité de nos approvisionnements», a analysé Colette Lewiner, directrice du secteur énergie chez Capgemini, cité par le journal français La Croix. La commission européenne a souvent insisté sur la nécessité de diversifier ses sources d'approvisionnement gazières surtout après les crises russo-ukrainiennes et c'est d'ailleurs pour cela que d'autres projets de gazoduc contournant la Russie sont envisagés. Il en est ainsi du gazoduc Nabucco, qui vise à amener vers le sud de l'Europe du gaz venu d'Azerbaïdjan, d'Iran ou du Turkménistan. Mais rien n'indique qu'il sera réalisé. Il en est ainsi également des autres options représentées par les projets «Interconnecteur Turquie-Grèce-Italie» (IGI-Poseidon) et le Transadriatic Pipeline (TAP). Mais, selon la presse russe, une quatrième option d'une infrastructure gazière «low cost» est actuellement à l'étude et pourrait supplanter tous les autres projets pour acheminer le gaz naturel de la mer Caspienne, vers l'Union européenne. Par ailleurs, le Sunday Telegraph a rapporté récemment l'information selon laquelle le projet Nabucco serait abandonné pour laisser place au gazoduc «Southstream» qui acheminera du gaz depuis la Russie jusqu'au sud de l'Europe, plus précisément l'Italie. Le journal La Croix se demande toutefois si ce projet sera «politiquement acceptable, si l'Europe entend garder une certaine maîtrise de son destin». Pour l'Algérie, il est aussi à se demander quelle place pourra-t-elle garder sur son marché naturel sud-européen si le Southstream, projet commun entre Gazprom et l'italien, ENI, venait à voir le jour ?