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Riposte folklorique à un constat alarmant
La journée mondiale de l'enfance en Algérie
Publié dans El Watan le 31 - 05 - 2007

Demain, lorsque politiciens, associations, journalistes et autorités lanceront un regard furtif sur la situation de l'enfance en Algérie, la famille du petit Yacine, âgé de 4 ans, disparu il y a plus de 20 jours, et celles de milliers d'enfants victimes de violences continueront à souffrir en silence.
Les manifestations conjoncturelles, organisées par-ci par-là par une autorité qui refuse d'aller vers une meilleure protection des enfants, ne pourront voiler la triste réalité vécue par ces derniers. Les rares statistiques rendues publiques ces dernières années sont alarmantes et appellent des mesures urgentes. Le terrorisme, la déperdition scolaire, la misère et la perte des repères socio-culturels ont engendré des dégâts incommensurables sur la société et notamment les enfants, livrés à leur traumatisme psycho-affectif. Les chiffres relatifs à la criminalité et les violences en milieu juvénile laissent présager un avenir inquiétant. Chaque année, le nombre des délinquants mineurs, des enfants en danger moral connaît une augmentation considérable au point de retenir l'attention des spécialistes, lesquels n'ont eu de cesse de tirer la sonnette d'alarme quant à la nécessité d'une législation plus protectrice de cette frange vulnérable de la société. Ainsi, en l'espace de quatre mois seulement, entre janvier et avril 2007, les services de sécurité ont enregistré 1202 cas d'enfants en danger moral. Ces derniers sont en général soit victimes de violences en milieu familial, soit interpellés en situation d'errance (notamment les enfants sniffeurs de colle). Chaque année, leur nombre atteint les 3000 cas. En 2006 par exemple, les enfants en danger moral ont atteint 3494, parmi lesquels 2281 sont des garçons et 1213 des filles. En 2005, ils étaient 3485 cas.
Victimes d'abus sexuels
S'il est vrai que près de 75% sont remis à leur famille, les autres sont placés dans des centres de rééducation, au même titre que les délinquants, faute d'infrastructures de prise en charge. Ce qui aggrave lourdement leur situation et les pousse souvent à basculer vers la délinquance, dont les chiffres ont atteint ces dernières années des seuils alarmants. Selon la Gendarmerie nationale, 890 mineurs ont été arrêtés durant les quatre premiers mois de l'année en cours pour des actes liés à la petite et grande criminalité. En 2006, le ministère de la Justice a fait état de 2967 mineurs arrêtés pour délinquance. Parmi ces derniers, 25 ont commis des crimes de sang. Les services de la solidarité nationale ont enregistré, pour leur part, 2237 enfants de moins de 19 ans, vivant dans la rue, et en 2 ans (de décembre 2003 à septembre 2005), ils ont recensé 18 387 personnes vivant dans la rue, parmi lesquelles 2237 enfants de moins de 19 ans, dont 1384 enfants ont moins de 9 ans d'âge. Ces enfants constituent deux catégories. La première, et la plus importante, est celle représentant les mineurs ayant fugué de leur domicile après avoir été exclus du système éducatif, ou après avoir volontairement abandonné les bancs de l'école à cause de la misère. La seconde catégorie est celle des enfants vivant dans la rue avec leurs parents, versés dans la mendicité pour des raisons diverses. Il est important de signaler que la déperdition scolaire touche chaque année quelque un demi million d'enfants (500 000). Durant les quatre premiers mois de l'année en cours, les services de police ont enregistré 41 cas d'enfants enlevés et 180 autres portés disparus. Parmi ces derniers, 73 cas seulement ont été élucidés. En 2006, 108 enfants ont été enlevés et 18 tués par leurs ravisseurs. Les abus sexuels sont parmi les premiers motifs d'enlèvements. Le trafic d'organes est totalement écarté par les services de sécurité. A ces chiffres ahurissants s'ajoutent ceux liés à la violence à l'encontre des enfants qui connaît chaque année des proportions inquiétantes. Si les garçons sont plus sujets à la violence physique, les filles, quant à elles, sont plutôt exposées aux abus sexuels. Ainsi, durant les quatre premiers mois de l'année en cours, 563 enfants ont subi des sévices sexuels, dont 358 filles et 205 garçons. Un chiffre en hausse par rapport à celui de l'année écoulée, puisque les services de police ont enregistré, en 2006, 1474 cas. Les enlèvements d'enfants qui constituent un phénomène nouveau pour la société sont en train d'évoluer dangereusement. De janvier à avril 2007, 41 enfants ont été victimes de kidnapping, à l'échelle nationale, parmi lesquels 5 ont été tués par leurs ravisseurs. En 2006, les mêmes services ont enregistré 108 cas d'enfants enlevés, 74 filles et 34 garçons, parmi lesquels 18 (12 garçons et 6 filles) ont été assassinés. Durant la même période, 563 enfants ont subi des violences sexuelles, dont 358 filles et 205 garçons, alors qu'en 2006, 1474 cas d'abus sexuels sur enfants ont été constatés, dont 799 victimes sont des filles et 675 des garçons. Durant le premier semestre 2005, la police a enregistré 791 cas de violences sur enfants, alors que durant toute l'année 2004, ce nombre était de 1386 enfants victimes de violences sexuelles. Face à cette situation alarmante, il y a une année, à l'occasion bien sûr de la Journée internationale de l'enfance, les autorités ont annoncé l'élaboration d'une loi portant protection des droits de l'enfant qui s'inspirera de tous les textes internationaux en la matière, sans pour autant qu'elle voit le jour, presque deux ans après. Le texte élaboré, sans prendre en compte des observations émises par les associations de protection de l'enfance, est passé en conseil de gouvernement, avant de disparaître dans la nature. Un observatoire pour les droits de l'enfant a été institué par le président de la République, il y a une année, et lui aussi est resté à l'état de projet.
Une réalité amère
Dans un communiqué rendu public hier, le réseau algérien pour la défense des droits de l'enfant (Nada) a rappelé que l'Algérie de par le taux de mortalité infantile, a été classée par l'Unicef à la 78e place à l'échelle mondiale, et à la 9e place au niveau arabe. « Malgré les réalisations concrétisées dans le domaine de l'enfance, les taux élevés de scolarisation et l'assistance intégrale dont jouissent les enfants dans notre pays, il n'en demeure pas moins que la réalité que traduisent les rapports tant nationaux qu'internationaux confirme qu'il y a lieu de renforcer et de développer impérativement lesdites réalisations. Le chemin vers la transposition des droits de l'enfant étant une réalité tangible et une pratique quotidienne n'est encore qu'à ses débuts.... ». A ce titre, le réseau, présidé par Arar Abderrahmane, a demandé l'établissement d'un plan d'action national en faveur de l'enfance, la création d'un Haut conseil de l'enfance, un organisme officiel rattaché à la Présidence pour la mise en place des stratégies et plans nationaux, l'accélération de l'installation d'un délégué de l'enfant pour une meilleure prise en charge des enfants en danger moral et en conflit avec la loi, la mise en place d'un organisme indépendant en vue d'observer et de contrôler les droits de l'enfant, le soutien à la prise en charge sociale, psychologique, éducative et administrative des enfants victimes de la tragédie nationale, la prise en charge de mesures contre le phénomène du kidnapping, le harcèlement sexuel et l'exploitation des enfants. En outre, la commission nationale consultative de promotion des droits de l'homme, dirigée par Farouk Ksentini, a préféré faire de la Journée de l'enfance, celle du diagnostic de la violence à l'égard des enfants et ses conséquences sur ces derniers.


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