Le directeur du journal régional El Waha, M. Nedjar, a été condamné, hier, par la cour de Ghardaïa à trois mois de prison ferme suite à une plainte déposée par le directeur général de la Protection civile, le colonel Lahbiri, pour « diffamation ». M. Nedjar, joint hier par téléphone, rejette en bloc cette accusation et annonce qu'il a aussitôt fait appel auprès de la Cour suprême. Les articles incriminés remontent à janvier, mars 2004 et juin 2005, dans lesquels le bimensuel El Waha faisait état du trafic d'influence effectué dans la wilaya de Ghardaïa par le fils du directeur général de la Protection civile. Fort du témoignage du chef de l'unité de Berriane, l'officier Aboud, et des enregistrements vidéo, le directeur d'El Waha a confirmé hier, lors de la séance de cassation, les faits révélés dans les enquêtes publiées par son journal. M. Nedjar n'a même pas jugé utile de prendre un avocat vu la clarté des événements relatés à propos des « dépassements du fils du DG de la Protection civile » qui, souligne-t-on, « n'a aucune relation avec l'institution de la Protection civile ». M. Nedjar, répondant au juge, affirme que la mission du journaliste n'est pas de diffamer, mais de chercher la vérité. « Les dépassements du fils du DG de la Protection civile portent un préjudice grave à la crédibilité des institutions et à la dignité des cadres », plaide M. Nedjar. Les faits : l'officier Aboud a été ordonné par le directeur de la wilaya de la Protection civile d'aller voir le fils du DG de la Protection civile pour « une affaire importante ». Une fois sur les lieux, ce dernier propose à M. Aboud de faire compromettre un projet de moulins pour deux raisons : le fils du DG de la Protection civile est gérant d'une unité de moulins qu'il « souhaiterait voir détenir le monopole » et le propriétaire du projet porte le même nom que Aboud. L'officier Aboud, qui a refusé le marchandage, a fait objet de pressions, voire de menaces de licenciement de la part du fils du DG de la Protection civile. Quelques jours après, le fils du DG de la Protection civile, accompagné du directeur de la wilaya de la Protection civile, effectue une visite d'inspection au sein de l'unité de M. Aboud. Un interrogatoire s'ensuit à l'encontre de l'officier Aboud. Le directeur d'El Waha, s'appuyant sur le témoignage de M. Aboud, trouve « inadmissible qu'une personne étrangère à la Protection civile inspecte et interroge un officier de la Protection civile ». Plus grave encore, ajoute M. Nedjar, « si un cadre ou un officier n'abdique pas aux injonctions du fils du DG de la Protection civile, il se voit muté ou licencié ». Avant de publier ce fait gravissime, M. Nedjar a dû voir le directeur de la wilaya de la Protection civile, qui a confirmé « la visite d'inspection » du fils du DG de la Protection civile. « Après des scénarios orchestrés par un lobby local, sous l'œil vigilant du fils du DG de la Protection civile, l'officier Aboud a été muté alors que sa discipline était exemplaire », souligne le directeur d'El Waha. L'officier Aboud, qui a révélé son cas à la presse, a déposé une plainte, le 2 mai 2005, pour faire valoir sa cause et prouver que la loi prime. Depuis cette date, a indiqué M. Nedjar, « nous nous sommes (MM. Aboud et Nedjar) retrouvés dans le collimateur du DG de la Protection civile ». La plainte de l'officier Aboud a été rejetée. L'appareil judiciaire se retourne contre lui. Une plainte du DG de la Protection civile est lancée en août 2005, trois mois après la plainte de M. Aboud. Même sort pour M. Nedjar. Plainte du DG de la Protection civile pour diffamation. Verdict : 3 mois de prison ferme pour chacun d'eux. L'officier Aboud, menacé même dans son logement, a préparé un dossier exhaustif qui sera adressé à la Présidence. Nedjar, lui, attend la Cour suprême.