La nouvelle bavure militaire ayant coûté la vie à deux citoyens de la localité de Yakouren alourdit davantage le climat sécuritaire, qui n'a pas cessé de se détériorer dans la région depuis de nombreuses années. Alors que l'opinion locale était dans l'attente d'un dénouement heureux du kidnapping dont a été victime, il y a une quinzaine de jours, un médecin du village d'Aït Aïssi, dans la commune de Beni Douala, la nouvelle de la bavure militaire qui a endeuillé deux familles du village de Tigounatine, près de Yakouren, vient aggraver le sentiment d'insécurité au sein de la population. Les drames se succèdent, ne laissant quasiment aucun répit aux citoyens, y compris aux villageois croyant vivre loin du terrain des opérations militaires. Le 11 septembre dernier, à Fréha, un simple retour d'une veillée funèbre a coûté la vie à Zahia Kaci, une mère de famille de 55 ans. Elle avait emprunté, avec d'autres femmes, le raccourci habituel longeant une caserne militaire au chef-lieu communal. La première sentinelle laissa passer le groupe des femmes, mais le deuxième soldat a mis à terre ces villageoises qui s'attendaient à tout, sauf à une rafale de fusil-mitrailleur sur le chemin de leurs maisons. Le 23 juin dernier, à quelques encablures de la ville d'Azazga, sur la route de Yakouren, un attentat à la bombe contre un convoi de l'ANP a provoqué une réaction fulgurante des militaires, qui ont aussitôt pris d'assaut deux villas mitoyennes. Un ouvrier de 42 ans, Dial Mustapha, se trouvant dans l'une des maisons, a été tué sur place, tandis qu'un autre a été blessé. Des actes de destruction ont été également commis par les militaires à l'intérieur des deux domiciles. Mardi dernier, ce sont deux citoyens, sortis pour une partie de chasse, qui ont essuyé les tirs de soldats de l'ANP en embuscade près du village de Tigounatine, dans la commune d'Akerrou, à la lisière entre Yakouren et Azeffoun. Trois faits similaires ont été commis en l'espace de six mois, entre Azazga, Fréha et Yakouren, faisant de cette localité un véritable triangle de la bavure. Un seul communiqué des autorités militaires a été rendu public, en juin dernier, après une grève générale qui a paralysé la ville d'Azazga en signe de protestation contre la bavure ayant coûté la vie à Dial Mustapha. Le commandement de l'ANP reconnaissait une «méprise» et annonçait l'ouverture d'une enquête. De nombreuses auditions ordonnées par les autorités judiciaires de l'armée nationale ont été effectuées et ont abouti à la mise à l'arrêt de 14 militaires, avait-on annoncé dans les jours qui avaient suivi les faits. Les témoins et les propriétaires des deux villas, où ont été commis les dépassements, ont été auditionnés par les enquêteurs, mais aucun procès n'a eu lieu jusque-là. Contacté hier, un membre d'une des familles des victimes des bavures commises à Azazga, dira qu'il vient, en guise de dédommagement, de recevoir une décision pour bénéficier d'une aide à l'autoconstruction. La famille de Dial Mustapha perçoit une pension allouée par les pouvoirs publics au titre de victime du terrorisme, mais attend toujours le logement sur lequel s'était engagé le wali de Tizi Ouzou. A Fréha, l'on apprend que les auditions ont été également effectuées, mais l'affaire est toujours en cours d'instruction. Aucune décision de justice n'a été rendue jusque-là à la suite des différentes affaires de bavures militaires. Celles-ci ne semblent pas pour autant enrayées, dénotant des lacunes dans la maîtrise du terrain et l'impréparation des forces antiterroristes pour engager des opérations dans des zones habitées et où sont réellement signalés des mouvements de groupes armés islamistes.