«Voici comment sont traitées les plantes du Jardin d'essai. C'est triste à voir, c'est même décourageant. Elles meurent tout doucement et personne ne fait rien…» Ancien salarié du Jardin d'essai, Ilyès est complètement démoralisé devant l'état de la végétation du plus beau jardin d'Alger. Et il sait de quoi il parle. Joyau botanique unique en son genre en Algérie, voire dans toute l'Afrique, le Jardin d'essai est un lieu d'exploration de différentes espèces végétales présentes sur les cinq continents. Ilyès ne ménage pas sa colère et son désespoir quant à l'avenir même du Jardin. «Je voudrais bien qu'on pense aux générations futures, au Jardin d'essai tel qu'il sera dans cinquante ans ou même cent ans. Croyez-moi, beaucoup de plantes auront disparu si rien n'est fait, s'inquiète-t-il. Regardez-les qui se meurent tout doucement mais sûrement…» Certaines de ces plantes, tels le prince des palmiers ou Cariota urens, ou bien le dragonnier ou Dracaena draco, prennent une couleur qui annonce leur mort lente. «Quiconque connaît bien le monde végétal comprend que beaucoup d'espèces appellent à l'aide, assure Ilyès. Comme tout être vivant, ces plantes vieillissent, mais aucune greffe n'est réalisée en vue d'un renouvellement des espèces.» La cause de cette mort lente ? «Les réserves d'eau du Jardin ont été partiellement coupées, suite au creusement de la ligne du métro qui a touché les canalisations. Aucune solution de rechange n'a été envisagée, s'énerve-t-il, surtout que sans un apport d'eau, l'entretien de tout le Jardin est difficile et onéreux. De plus, l'eau de mer s'infiltre par-dessous, et les plantes ne supportent pas le sel. C'est vraiment décourageant.» L'avenir du Jardin semble compromis si rien n'est envisagé pour sa préservation réelle, d'autant que l'école qui formait les différents jardiniers depuis des générations est fermée. La seule serre qui existe est vide de toute végétation. Au vu du parcours effectué sur toute la surface du Jardin d'essai, l'entretien réel des différentes espèces laisse à désirer, selon Ilyès, qui constate que «seul le nettoyage régulier est effectué». Comment en est-on arrivé là ? Selon Ilyès, «les anciens jardiniers partis à la retraite ont pourtant donné de bons conseils, mais n'ont pas été écoutés. Beaucoup d'entre eux ont été formés par les Français. Pour moi, la méthode idéale pour entretenir cette richesse a été totalement ignorée, délaissée. La plupart de ces jardiniers ne sont plus là. Seuls trois ou quatre sont encore en vie, je pense. Ils ont été formés dans les années 40-50. Eux seuls peuvent encore aider les nouveaux, ils ont une très bonne connaissance du monde végétal. Ils sont même prêts à aider le personnel bénévole».