En dehors de la Journée internationale contre le sida, les campagnes de sensibilisation se font rares. Chaque année, à l'occasion de la Journée mondiale contre le sida, les associations de lutte contre cette maladie et les médias s'emparent de cet événement en lui consacrant une couverture exceptionnelle. C'est de bonne guerre. Mais qu'en est-il de la sensibilisation face à cette «maladie du siècle» durant les autres mois de l'année ? Comment le malade atteint du sida vit-il cette situation ? Nous sommes partis à la rencontre d'une personne qui vit avec cette pathologie depuis de longues années. Nabila est atteinte du sida depuis plus de 10 ans. Dix ans d'atroces souffrances qu'elle vit de surcroît dans le silence, de peur de s'attirer les foudres de sa famille qui prendrait mal cette «honteuse» nouvelle. Elle a été contaminée par son mari qui, lui-même, a contracté la maladie lors de rapports sexuels qu'il avait durant ses fréquents voyages dans des pays européens. «Mon mari était un coureur de jupons. Je le savais. Il ne s'en cachait pas», reconnaît-elle. «Mais j'étais loin de penser qu'un jour il allait me transmettre cette terrible maladie.» Quand on l'a contactée, Nabila parlait timidement, d'une voix à peine audible. Comme si elle avait peur de faire part d'un secret susceptible d'attenter à sa vie. Elle marche d'un pas alerte. Visiblement, elle tente d'éviter les regards indiscrets. Dans ses pensées, les passants savent déjà qu'elle est contaminée par le sida. Elle nous indique, sans nous adresser le moindre regard, le lieu de notre rencontre pour que nous puissions recueillir son témoignage. La mélancolie et la tristesse se dégagent de son visage pourtant jeune. A dire qu'elle est dans l'antichambre de la mort. «C'était le ciel qui me tombait sur la tête. J'étais anéantie, abattue. Je ne savais même pas quoi faire. Je ne savais pas à qui m'adresser», se remémore-elle. «Tout le monde a remarqué le changement qui s'est opéré en moi. Je ne souriais plus comme avant. J'étais devenu réservée.» «Comment voulez-vous que je l'annonce à mes parents, à mes frères et sœurs, alors que je connais d'avance leur réaction. Ils vont tout de suite penser que je suis une traînée, une prostituée», se désole-t-elle. Malgré les efforts de sensibilisation, le sujet reste tabou. Des malades meurent à l'hôpital et, dans la plupart des cas, ils avaient caché leur maladie à leur famille de peur d'être stigmatisés. Nabila nous confie que depuis qu'elle a mis ses cousines dans la confidence de sa nouvelle situation, leur comportement a changé. Elles ne décrochent plus à ses appels. Elles ont changé leur numéro de portable. Pis encore, elles refusent de la recevoir chez elles. «Je me suis sentie sale, souillée. Je suis devenue du jour au lendemain une pestiférée», a-t-elle regretté.