Madani Mezrag, ancien émir national de l'ex-AIS, a, encore une fois, fait parler de lui. Cette fois-ci, il a tiré dans le tas. Sa cible du jour : une partie de la presse, les généraux janviéristes, les résistants au terrorisme. L'ancien chef des bandes terroristes n'a pas parlé en repenti implorant le pardon de ses victimes. Le qualificatif ne lui sied guère. Mais il a parlé, hier, lors d'une conférence de presse au siège du bureau national de la société civile à Alger, en « chef de guerre, en digne combattant qui a signé une trêve, les armes à la main ». Mieux encore, en acteur politique incontournable. Le point principal inscrit à l'ordre du jour, à savoir « la dénonciation du journaliste de l'hebdomadaire l'Intelligent qui l'a diffamé », n'était, au demeurant, qu'un ressort lui permettant, ambition oblige, d'abonder sur le terrain politique. Après une brève mise au point, publique, adressée au correspondant de l'Intelligent, l'émir de Jijel s'en est pris à El Watan et au Soir d'Algérie, dont les journalistes, selon ses dires, ont provoqué et nourri la polémique. Soit. Enhardi par certains confrères, qui, ont prêté le flanc en lui posant des questions comme s'il s'agit d'un influent personnage politique, Mezrag y a trouvé une aubaine pour se donner des ailes. On l'a même appelé « professeur Mezrag, si Madani, le cheikh... » L'ancien fossoyeur a entamé sa conférence par la lecture d'une déclaration pamphlétaire contre ce qu'il appelle « la pieuvre éradicatrice et occidentaliste ». S'exprimant dans un arabe presque inaccessible, Mezrag fera, d'abord, l'éloge de ses hommes et de son organisation terroriste. « L'AIS, a-t-il dit, est née de l'avortement des élections parlementaires de 1991 et du détournement du choix populaire et ce qui en a résulté comme arrestations et persécutions dont se sont rendus responsables les éradicateurs et les tenants de l'occidentalisation. » En parlant, Mezrag voulait, à l'évidence, jouer le tribun. Il fait semblant de réfléchir, de soigner ses mots et de structurer son discours. Il clame, menace, intimide et tape sur la table. « L'AIS n'était pas mue par la fitna. Elle a été créée pour sauver et défendre les constantes nationales, rétablir la volonté populaire et protéger les faibles et les opprimés », a-t-il tempêté. Continuant son apologie de sa structure barbare, il dira : « Nous nous sommes défendus avec dignité et nous avons combattu avec honneur. » Ici, l'ancien terroriste parle en belligérant. « Malgré le manque de moyens, l'hostilité de l'environnement et les disparités entre les deux parties en guerre, notamment en matière d'armement, et malgré l'agression dont nous avions fait l'objet, nous avons tenu à ce que cette bataille soit algérienne. Nous n'avons pas toléré une aide étrangère quelle qu'elle soit », a-t-il tonné. Sauf que Mezrag se contredit quelques secondes plus tard. « Les fonds de l'AIS ont été fournis, dans l'ensemble, par l'instance exécutive du FIS basée à l'étranger et présidée par Rabah Kebir », a-t-il révélé. Dans ce long discours panégyrique, l'émir a également vanté la « gloire » de ses hommes : « Ils étaient empreints de patience, de bravoure et profondément attachés à leur position et à leurs principes (...). Ils ont mené un combat d'hommes dignes et libres, guidés par la religion et la vaillance. » Plus loin, Mezrag a tenté d'humilier toute l'Algérie, Etat et nation. « La guerre est la guerre : elle est provoquée par le puissant par arrogance et subie par le faible opprimé », a-t-il dit. Le chef terroriste ne s'est pas arrêté à ce stade. Il a poussé l'audace jusqu'à vilipender les éradicateurs, notamment les généraux (sans citer le mot), en les traitant de « lâches » et de « marchands de crise qui se sont planqués dans des forteresses pendant la guerre ». Pour Mezrag, « ces gens ont des relais partout. Ils cherchent à rallumer la cendre à chaque fois que Dieu l'éteint. Ils n'ont rien à perdre de la destruction du pays. Ils incitent au meurtre et viennent ensuite assister aux obsèques (...). Ils ont dans l'autre rive un gîte, des proches et des alliés qui protègent leurs intérêts ». L'ancien chef de l'AIS n'a pas perdu un pouce de son « langage guerrier ». « Ils sont l'ennemi dont il faut se protéger, combattez-les », a-t-il claironné en usant d'un verset coranique. Mezrag a des ambitions et des projets : la création d'un parti politique. La charte pour la paix et la réconciliation n'interdit-elle pas aux personnes impliquées dans la « tragédie nationale » d'exercer des activités politiques ? Mezrag n'en tient pas compte. « Les combattants de l'AIS jouissent de tous leurs doits civiques et politiques en vertu d'un décret présidentiel », a-t-il répliqué à notre question. Répondant aux interrogations des journalistes, l'émir a plaidé pour une révision constitutionnelle pour, a-t-il dit, « instaurer un régime présidentiel ». Aussi s'est-il prononcé pour un troisième mandant de Bouteflika « pourvu qu'on crée un poste de vice-Président ». Le programme de son parti politique ? Combattre les éradicateurs et les tenants de l'occidentalisation. « On doit transformer le régime des lobbies oppresseurs en régime démocratique bâti sur la base des principes islamiques. » Tout un projet !