Entre un émir qui se confond en excuses et tente de se disculper d'un attentat et un autre qui fait des plans sur la comète, les islamistes ne semblent pas être sortis de l'auberge. Revendications, remords, excuses et divergences, les islamistes ne savent plus où donner de la tête. Les uns frappent et revendiquent. Les autres dénoncent et s'excusent. La guerre de communiqués est bel est bien lancée. Le désarroi est consommé dans les rangs des islamistes algériens. La branche armée d'Al Qaîda du Maghreb islamique vient de diffuser le communiqué de trop. L'ex-Gspc (Groupe salafiste pour la prédication et le combat) a reconnu que l'attentat qui a pris pour cible l'ancien dirigeant de l'ex-armée islamique du salut (AIS), Mustapha Kartali, le 14 août dernier à Larbaâ, a été commis par «un élément des siens». Toutefois, l'organisation de Abdelmalek Droukdel alias Abou Mosâab Adelouadoud, rassure que l'opération a été exécutée sans l'aval de la direction. «La direction n'a été ni mise au courant ni a ordonné à ses éléments de commettre un attentat contre Mustapha Kartali. Cette attaque est une erreur que nous devons assumer devant Allah et devant le peuple musulman», signe le communiqué. Droukdel cherche à se laver les mains de toute culpabilité dans cette opération. Pour lui, c'est «juste un cas isolé» qui a été «exécuté sans l'aval de la direction de l'organisation». Cette «reconnaissance», suivie de «remords», ne peut être l'arbre qui cache la forêt. Plusieurs questions méritent d'être soulevées dans ce contexte. Si Mustapha Kartali était mort, Droukdel aurait-il parlé d'erreur? Mieux encore, Droukdel aurait-il revendiqué l'attentat si Kartali avait été tué? Il reste à s'interroger sur ce que cache Droukdel derrière une telle réaction. Pourquoi réagir? Pourquoi a-t-il mis tout ce temps - 10 jours - pour réagir tout en sachant qu'il n'a pas ordonné l'exécution de Kartali? Le fait le plus frappant est que c'est pour la première fois que Droukdel signe un communiqué d'«excuses». Aussi, il reste à confirmer l'authenticité du communiqué et son contenu. A l'heure actuelle, ni l'organisation terroriste ni les forces de sécurité n'ont donné des détails sur l'identité de l'auteur. De même, aucune explication n'a été divulguée sur le pourquoi de cet attentat. Aucune piste. Aucune thèse. Cette polémique ne peut que justifier en réalité le malaise et les désaccords au sein de la mouvance islamiste, car une opération avec une voiture piégée comme celle de Larbaâ ne peut être une action d'un seul terroriste. Il y avait sans doute un canevas de guet-apens planifié avec la complicité d'autres éléments. Dans ce cas, le fossé ne fait que se creuser au sein de l'organisation terroriste. Sinon comment en expliquer le fait qu'un groupe terroriste organise des attentats? L'hypothèse «du cas isolé», dont parle Droukdel, implique surtout le désarroi d'un émir de moins en moins obéi. L'ancien émir de cette branche du FIS-dissous, Madani Mezrag, a dénoncé dans un communiqué cet attentat qu'il a qualifié de «lâcheté et de trahison». L'ex-Gspc est discrédité aux yeux des anciens de l'ex-AIS. En visant une grosse pointure de l'ex-AIS, le Gspc lance un avertissement indirect à ses responsables d'autant plus que ces derniers s'apprêtent à organiser leur congrès «très prochainement» en vu de créer «leur nouveau parti». Le communiqué de Droukdel appelle, par ailleurs, Kartali à «reprendre les armes» et rejoindre le maquis. Confiant, l'ancien chef de l'ex-AIS rassure et réaffirme son projet de créer son parti politique, malgré l'interdit de la Charte pour la réconciliation nationale pour tous ceux impliqués dans la tragédie nationale. Mezrag affirme dans un appel téléphonique à L'Expression qu'«il n'est pas question de céder sur la création de notre parti. Nous rassurons pour la énième fois que nous allons concrétiser à 100% notre projet et nous marquerons notre retour sur le devant de la scène politique nationale». Pas de temps à perdre. Mezrag et ses anciens compagnons passent à l'action. «Nous allons tenir très prochainement notre congrès pour annoncer officiellement la création du nouveau parti», a-t-il encore insisté. Avec des termes clairs, Mezrag indique qu'il a reçu des garanties pour la mise en oeuvre de sa machine politique. Il affirme: «Grâce à mes relations solides au sein du pouvoir, j' ai reçu des garanties même de la part de ceux qui ont soutenu le projet de la Charte pour la paix et la réconciliation nationale et même de la présidence». Entre les dénégations de Droukdel et les assurances de Mezrag, il reste à trouver le juste milieu de la mouvance islamiste qu'un vent fait balancer d'une extrémité à l'autre.