C'est sur les cendres de Karim Tabbou que s'opère le «grand rassemblement» du parti voulu par Aït Ahmed. Pour autant, le départ du charismatique premier secrétaire ne s'est pas fait sans tensions. «Ils reviennent en roulant les mécaniques dans les couloirs du parti… C'est indécent… » A quelques mois des législatives, le «seul véritable parti de l'opposition», comme il aime se présenter, se serait bien passé des petites turbulences consécutives dues au départ de Karim Tabbou. Après le non-renouvellement de son mandat de premier secrétaire le 18 novembre dernier, c'est quasiment tout le secrétariat national du parti qui a été nettoyé. Et le retour aux responsabilités des anciens cadors du parti – qui avaient déjà occupé des fonctions au sein du FFS, mais avaient quitté les instances du parti sous les deux mandatures de Karim Tabbou – a créé des tensions, palpables lors du dernier conseil national du 9 décembre. Les deux anciens députés (mandature 1997‑2002), Dalila Taleb et Ikhlef Bouaïchi, les deux ex-premiers secrétaires, Ahmed Djeddaï et Djoudi Mammeri, et l'ancien membre du conseil national, Ali Lemdani, reviennent donc aux affaires. Ils ont été désignés au sein d'un cabinet conseil, auprès du nouveau premier secrétaire, Ali Laskri. Quant à Samir Bouakouir et Madjid Rouar, anciens secrétaires nationaux, les voilà désormais chargés de représenter le parti à l'étranger. Pas de quoi crier à la manœuvre politique, selon un militant du FFS qui préfère garder l'anonymat. «Il n'y a rien d'anormal dans ces changements. Conformément à l'article 52 des statuts du parti, le mandat du premier secrétaire est de deux ans, et Tabbou a consommé deux mandats comme premier secrétaire du parti. Ces changements étaient dans l'air depuis un moment et n'ont surpris personne. Trois noms, qui pouvaient prétendre au poste de premier secrétaire, circulaient . Hocine Aït Ahmed a choisi d'installer une personnalité consensuelle, qui connaît très bien les rouages du parti, pour l'avoir déjà dirigé en 2004 et 2006.» Colères Lors du dernier conseil national, les deux camps se sont observés. L'intervention de l'ancien premier secrétaire était redoutée et certains s'attendaient à voir exploser sa colère. «Il a été d'un calme olympien, assure un cadre du parti. Il a comme toujours rappelé les grandes lignes du parti. Son attitude a été exemplaire. Karim est un militant qui applique à la lettre la ligne du parti. Il a peut-être été, à un certain moment, trop rigide. C'est dans son caractère de refuser de transiger. Cette attitude a peut-être embarrassé le FFS dans le passé, mais aujourd'hui, son départ et l'arrivée de Ali Laskri vont sûrement faciliter les négociations avec nos partenaires.» Nous avons tenté en vain de contacter Karim Tabbou, d'habitude facilement joignable. Son silence et celui de ses proches laissent penser, d'après ce qui se dit aussi dans les régions, que pour le moment, personne ne remet en question «le rassemblement de toutes les énergies du parti», le mot d'ordre de Hocine Aït Ahmed. En coulisses, on nous souffle que la mise à l'écart du plus intransigeant des premiers secrétaires et d'une bonne partie de son ancienne équipe aurait été demandée-négociée-suggérée par les anciens, comme préalable à leur retour dans les instances dirigeantes du FFS. Entre les personnalités marquantes du parti et l'ancien premier secrétaire, le courant n'est jamais passé. L'ancien premier responsable leur reprochant de ne pas s'être assez impliqués dans les affaires du parti, alors qu'ils voyaient d'un mauvais d'œil l'arrivée d'un ancien chargé de communication comme premier responsable. Et qui avait décidé de mener le parti sans jamais dévier de sa ligne politique. «D'une part, Ali Laskri ne pouvait pas garder Karim Tabbou auprès de lui parce qu'il ne peut pas affronter ses colères homériques. D'autre part, c'est vrai que Tabbou entretenait de mauvaises relations avec certaines figures connues du parti qui lui reprochaient de les avoir marginalisées en les poussant hors du FFS. D'avoir verrouillé le parti à son propre profit, pour demeurer seul dans la lumière. Mais cette absence de dialogue ne peut lui être entièrement amputable. Il y a eu une volonté manifeste des poids lourds du parti de se mettre au vert et de ne pas s'impliquer, ces dernières années, dans les combats que menait le FFS. C'est l'équipe constituée par Tabbou qui a dû affronter seule les coups et maintenir le parti en marche.» confie un militant du parti. Pressions Même si les dirigeants du parti veulent maintenir le suspense quant à leur participation aux législatives de 2012, tout semble laisser croire, qu'en réalité, l'objectif est très clair. Le FFS a entamé des contacts dans certaines wilayas pour inciter des personnalités locales à se présenter aux élections. «Nous n'avons pris aucune décision, confie un militant du parti. Nous étudierons la question le moment venu. Tout ce qui se dit sur le parti actuellement est une grosse manipulation mise en place par le pouvoir. Notre décision dépendra de la réponse qu'apportera le régime à nos revendications.» Les pressions sur le Front des forces socialistes pour s'assurer de sa participation aux prochaines législatives ne viendraient pas uniquement du pouvoir. Certaines chancelleries pousseraient fortement le parti à cette participation et lui conseilleraient de ne pas rester à la marge des mutations que connaît le pays. «Les chancelleries nous disent que nous ne devons pas encore une fois boycotter les élections. Pour certains diplomates, c'est parce que l'histoire nous a donné raison, que nous devons maintenant participer à ce semblant d'ouverture. En réalité, ces chancelleries tentent de se donner bonne conscience auprès de leur opinion publique en vue de continuer à commercer avec ce pouvoir…»