Après une circulaire qui avait été beaucoup critiquée, le ministère de l'Intérieur devra réétudier, en 2012, les conditions d'autorisation de résidence des étudiants étrangers, et notamment la possibilité de rester en France à la fin de leurs études pour une première expérience professionnelle. Gérer le flux des étrangers présents sur le sol français en s'en prenant au maillon faible que constituent les étudiants, cela semblait aller de soi. Pour réduire l'immigration légale, cette catégorie de population est plus facile à limiter que de s'en prendre aux familles régulièrement installées. Le ministère de l'Intérieur a publié, en mai, la circulaire générale qui devait être l'outil décisif. Les préfets étaient instruits d'un certain nombre de critères rigoureux pour empêcher des étudiants de rester sur le sol français. «Le nombre d'étrangers entrant en France pour motif professionnel (…) doit diminuer». Il ne doit plus être accordé «aucune facilité particulière dans l'examen de la procédure de délivrance d'une autorisation de travail». Le fait d'être étudiant ne peut en aucun cas être une raison pour obtenir une autorisation de séjour de salarié. «La procédure d'un changement de statut devra faire l'objet d'un contrôle approfondi». Cela a été pris au pied de la lettre et les sacro-saintes règles de compétences dans le cadre de l'immigration choisie, édictées par Nicolas Sarkozy depuis 2002, ont été oubliées. Cet état de fait a alors été largement dénoncé par les chefs d'entreprise qui comptaient sur les embauches de ce personnel performant. «On suit de très près le dossier. Les entreprises sont préoccupées. Cela risque d'être un problème pour la compétitivité de la France et son rayonnement à l'étranger», soulignait-on au syndicat des patrons français (Medef), à la mi-décembre. Une pétition a réuni des milliers de signatures Les hommes politiques se mirent aussi de la partie, y compris dans le camp de la majorité présidentielle. Ainsi, Frédéric Mitterrand, ministre de la Culture, vendredi dernier : «Mon avis, c'est que j'ai passé mon temps à accueillir des étrangers. Cette circulaire me pose problème», déclarait-il sur RMC. François Fillon, le Premier ministre, fit aussi part de sa réserve, expliquant que peut-être «il y avait eu des abus, qu'il y avait eu des parcours erratiques, mais que la vocation de la France était d'accueillir les étudiants étrangers.» Enfin, le ministre de l'Enseignement supérieur, Laurent Wauquiez, dira : «Je ne veux pas que l'université française ferme ses portes aux étudiants étrangers, je trouve ça absurde. On s'est plantés, et il faut le dire clairement, sur une circulaire qui a donné ce sentiment qui a donné cette image à l'extérieur. Notre université française est la troisième au monde à accueillir le plus d'étudiants étrangers et il ne faut pas que ça change, parce que c'est une chance pour tout le monde.» Cela faisait beaucoup et le président de la République, Nicolas Sarkozy, a convoqué le ministre de l'Intérieur, Claude Guéant, pour lui demander de changer de fusil d'épaule. Il faut dire que cela commençait à devenir lourd à porter, avec une pétition qui a recueilli des milliers de signatures. Sous le titre «L'université est universelle, notre matière grise est de toutes les couleurs», le texte a été signé par plus de 20 000 personnes, dont des chercheurs, profs d'université, avocats, présidents d'université… On y lit notamment : «Ils sont étrangers, sont venus étudier en France, souvent avec talent, allaient créer leur entreprise, participer à la recherche française ou avaient une promesse d'embauche dans une entreprise française… et ne peuvent plus le faire. Ils rentreront chez eux, et il est peu probable que l'envie les reprenne un jour de venir voir en France s'il y fait bon vivre (...). La France gagne à recevoir des étudiants étrangers. Les étudiants étrangers ne sont pas une menace pour la France, ils sont une chance. Les universités le savent très bien : la France doit recevoir plus d'étudiants étrangers. C'est aux Etats-Unis, au Royaume-Uni, au Canada, en Australie et maintenant même en Chine que les étudiants étrangers apportent leur créativité, leur savoir-faire, leur énergie, leurs découvertes et leurs dépôts de brevets.» Enfin, avec beaucoup plus de virulence, le texte dénonce l'idéologie d'exclusion, qui était jusque-là le fait uniquement de l'extrême droite. «Le message de la circulaire est clair : étranger, ne viens pas étudier chez nous, et n'espère pas trouver un emploi au terme de tes études. Employeur français, tu n'embaucheras pas d'étranger. Peuple de France, tes dirigeants veillent sur tes emplois ! Préférence nationale ! La France aux Français !» Si le ministère de l'Intérieur a annoncé la refonte de la circulaire décriée du 31 mai, les signataires exigent son abrogation. Samedi, le candidat socialiste à la présidentielle, François Hollande, a estimé que «c'est toute sa logique qu'il faut revoir.» Ce point de vue rejoint celui de nombre de personnalités de la société civile et des hommes politiques de l'opposition de gauche. Vent debout contre !