Lorsque la capitale du Hoggar se repose, elle le fait le temps d'un répit qu'elle entame dès le mois de mai, avec la fin de la saison touristique qui reprend en octobre. La ville est alors calme. De ce calme qui s'accentue en juillet et en août et que dégustent enfin les habitants qui se donnent le temps de leurs plaisirs simples retrouvés. Sous les influences tropicales du Sahel et de la ligne du Cancer, qui traverse le nord de Tamanrasset, les moussons d'été contribuent elles aussi aux plaisirs d'une quiétude bien arrosée... De toutes les régions du sud de l'Algérie, notre ville est la plus accueillante en saison estivale », assure-t-on ici à Tamanrasset. L'été n'y est jamais très chaud et à l'instant où nous rédigeons, il fait 32°C, alors qu'une bonne brise fraîche adoucit l'air apportée par un vent venant toujours de l'Est. Les « nordistes » du sud Juchée à 1400 m d'altitude et bordée par la ceinture nord du haut massif montagneux de l'Atakor, elle est souvent surplombée, en cette période, de nuages porteurs de pluie et d'air frais qui atténuent sa température moyenne de 35°C. De plus, les moussons d'été, influences du climat tropical, charrient de grosses averses de pluie très attendues et insuffisantes pour l'instant. Dans ce climat clément, Tamanrasset coule des jours tranquilles en ce mois d'août, avec la désertion, le temps des vacances, des « gens du Nord », très présents le reste de l'année. Le calme retrouvé est une aubaine pour les habitants qui dégustent alors une certaine tranquillité perdue depuis que Tamanrasset est de plus en plus cosmopolite et absorbée par un monde attiré surtout par ses atouts commerciaux et touristiques. Août, comme juillet, est alors synonyme pour les locaux de retrouvailles aisées entre les gens du terroir. Les portes des maisons se rouvrent sans crainte de quelque ennui que ce soit. L'on se réunit au matin déjà autour du « dahoui », le casse-croûte traditionnel pris à 10h, et toute la journée est consacrée aux visites familiales et amicales. Vidées du monde habituel, les rues rappellent un peu le Tamanrasset d'avant, où l'on croisait surtout ces silhouettes paisibles d'hommes et de femmes, altiers dans leur démarche et drapés dans leurs amples tenues de coton et de chêche. Quelques « Nordistes », des jeunes hommes surtout, ont choisi de passer l'été là. D'autres n'ont pas le choix. Ce sont des appelés du service national. En tout cas, tous élisent les cafés du coin pour bavarder entre eux : une occupation que répugnent ici les Touareg ; presque honteuse pour eux qui préfèrent les causettes autour d'un thé sur un feu de braise, chez soi ou dehors dans un espace arboré, sous un acacias ou un tamaris. Sahara blues Au vieux centre-ville, qui préserve jalousement ses couleurs ocre rouge, assis sur leurs chaises ou à même le sol, les commerçants se racontent des choses que l'on ne peut deviner. Les clients sont soudainement rares et les magasins d'artisanat n'ouvrent presque plus que pour la forme. Même si quelques très rares touristes inconditionnels du désert apparaissent quand même, faisant une halte nécessaire dans la ville, avant de poursuivre leur aventure dans le désert algérien et vers les pays du Sahel. Quant au grand souk de Gataâ El Oued, son ambiance ne change guère avec des vendeurs, outre-Sahara notamment, qui proposent la moindre pacotille. Tandis que les étalages d'étoffes sont toujours aussi colorés, proposant les plus belles tenues à confectionner chez les couturiers du coin pour les fêtes. Car les fêtes, Tamanrasset en est particulièrement prolifique en cette période, qu'elles soient religieuses ou familiales, elles sont l'occasion de rencontres très animées. Après la ziara de Dagh-Mouli, celle de Tazrouk qui attire un monde de toute part aussi, des mariages célébrés dans la pure tradition targuie avec des airs de tindi et d'imzad (violon targui, joué par les femmes), loin du « modernisme » des D.J. et des cortèges de voitures dus aux Nordistes, lorsqu'ils célèbrent des liaisons maritales ici à Tamanrasset. La ville est, d'ailleurs, aussi vidée des cohues de voitures qui font ses embouteillages anachroniques le reste de l'année et sa pollution aussi ! Nuit à la B. E. Tout est au repos en ce mois d'août et la nuit on peut enfin dormir dehors à la belle étoile, comme on aime à le faire : à s'y promener tard le soir, le quartier Sorro et les dunes environnantes à l'aéroport sont investis par des masses d'hommes qui viennent veiller et dormir, rassurés qu'ils sont par la sécurité rétablie. C'est aussi le temps pour eux de replonger dans le souvenir des campements d'antan. Une certaine nostalgie, en somme, qui les anime ! « Qu'importe d'aller changer l'air en Occident ou chez nous sur la côte, comme le font ceux qui le peuvent, le billet d'avion est trop cher de toute façon ! Heureusement, les chaleurs d'été sont dissipées en juillet, début juillet même ! Et c'est l'occasion pour nous d'aller nous promener dans le désert beaucoup plus frais qu'à Tamanrasset ! » Khadidja est de ceux-là aussi qui aiment se payer du bon temps, le temps d'un pique-nique dans un petit coin du désert du Hoggar, sous un acacias, près d'une guelta ou d'un oued humide, arrosés par les pluies clémentes des moussons qui font déjà quelques petites crues. Un régal et un plaisir qui compensent les éternelles pénuries d'eau à Tamanrasset.