Par quoi fallait-il commencer, et surtout qui ouvrira les hostilités se demandait-on dès l'annonce de la victoire du mouvement Hamas aux élections législatives palestiniennes de mercredi dernier ? Finis les discours, place aux actes. C'est ce que laisse comprendre Israël qui a décidé de geler des fonds dus à l'Autorité palestinienne, de peur soi-disant qu'ils ne parviennent à des éléments terroristes, a indiqué le Premier ministre israélien intérimaire, Ehud Olmert. Dans un premier temps, l'Etat juif avait pourtant annoncé qu'il allait continuer à verser à l'Autorité palestinienne le montant de ces taxes. « Nous allons poursuivre la coopération avec l'Autorité palestinienne sur les questions financières, telles que le remboursement des taxes, jusqu'à ce que nous sachions à quel gouvernement nous aurons affaire », a affirmé dimanche un responsable de la présidence du Conseil. Il faisait référence à quelque 40 à 50 millions de dollars qui sont versés chaque mois par Israël pour rembourser les taxes douanières imposées aux marchandises destinées aux Palestiniens, qui transitent par les ports et aéroports israéliens. Le gouverneur de la Banque d'Israël, Stanley Fischer, a en revanche estimé qu'il est de « l'intérêt d'Israël d'éviter un effondrement de l'économie palestinienne ». Mais ce n'est là que du chantage, d'autant plus que ce n'est pas de la charité. « A ce stade, nous évaluons la situation et suivons les développements », a-t-il ajouté. M. Olmert a fait allusion à une tranche de 200 millions de shekels (35 millions de dollars environ) qui devait être transférée mercredi à l'Autorité palestinienne. Ces fonds correspondent essentiellement aux produits de la TVA et des droits de douane prélevés sur les produits importés dans les territoires palestiniens et transitant par Israël. Et pourtant, tout le monde, Israël en particulier, sait que pas le moindre shekel n'est utilisé par Hamas pour financer ses opérations anti-israéliennes, et que c'est la première fois qu'il pénètre les institutions palestiniennes, lesquelles existent depuis dix ans. Par ailleurs, les Etats-Unis font savoir qu'ils attendent des Européens la même fermeté vis-à-vis du Hamas que celle qu'ils ont manifestée en annonçant le réexamen de toute leur aide aux Palestiniens en cas d'accession de ce mouvement au pouvoir, a déclaré dimanche la secrétaire d'Etat américaine, Condoleezza Rice. « Les Européens considèrent, eux aussi, le Hamas comme une organisation terroriste », a souligné le chef de la diplomatie américaine dans l'avion la conduisant de Washington à Londres, où elle devait participer hier à une réunion du Quartette international pour le Proche-Orient (Etats-Unis, Union européenne, Russie et ONU) qualifiée d'importante, sans que l'on sache pourquoi, sauf s'il s'agit d'accabler le peuple palestinien, et lui contester le droit de choisir ses représentants. On apprenait quelques heures seulement avant cette réunion que le Hamas a appelé ce forum informel à un dialogue « sans conditions », et à poursuivre le versement de l'aide financière aux Palestiniens. « Nous vous appelons à un dialogue sans conditions préalables et dans un esprit de neutralité », a déclaré M. Haniyeh, lisant un message adressé au Quartette, lors d'une conférence de presse à Ghaza. « Nous vous appelons à poursuivre l'aide morale et financière, et à verser toutes les aides au Trésor palestinien pour qu'elles soient utilisées en fonction des priorités du peuple palestinien », a-t-il ajouté. Avant même d'avoir en mains ces éléments nouveaux, mais fondamentalement importants, la secrétaire d'Etat faisait état d'un consensus au sein du Quartette, qui défend la « feuille de route », le plan de paix prévoyant la création d'un Etat palestinien aux côtés d'Israël. « Nous avons, avec nos partenaires européens, la Russie et l'ONU, bâti un consensus très solide sur la conduite à tenir », a-t-elle affirmé. Les Etats-Unis ont prévenu vendredi qu'ils allaient réévaluer l'ensemble de leur aide aux Palestiniens si le Hamas participe au gouvernement, expliquant ne pas pouvoir légalement aider un mouvement qualifié de terroriste. L'UE en revanche s'est dit « prête à poursuivre son soutien au développement économique palestinien et à l'instauration d'un Etat démocratique », tout en demandant au nouveau Parlement palestinien de soutenir « la formation d'un gouvernement désireux de mettre fin à la violence » et « de négocier une sortie au conflit israélo-palestinien ». Mais dimanche, la chancelière allemande, Angela Merkel, a assuré que tant que le Hamas n'aurait pas changé sa position envers Israël et le processus de paix, il serait « impensable » pour l'Union européenne de continuer à accorder des fonds à l'Autorité palestinienne. Mme Rice a rappelé que la « feuille de route » était basée sur le renoncement à la violence et la reconnaissance du droit à l'existence d'Israël. Mais ce dernier a lui aussi des obligations, dans le cadre des « mesures de confiance », comme le gel de la colonisation et l'arrêt des assassinats. « Ce dont nous allons parler, c'est que oui, les circonstances ont changé, mais nous pensons tous que ces étapes sont les bonnes, ces principes sont les bons, et que nous allons y adhérer », a-t-elle poursuivi. Elle a écarté l'hypothèse d'une plus grande implication de l'Iran ou de la Syrie dans les territoires palestiniens pour compenser un éventuel arrêt de l'aide internationale aux Palestiniens, soulignant qu'étaient concernées non seulement l'aide de l'UE et des Etats-Unis, mais aussi celle de l'Asie et des pays arabes modérés. « Cela ferait un gros trou », a-t-elle noté. Et tout le monde sait que Hamas va être confronté à des menaces de coupe d'une aide internationale vitale pour une Autorité palestinienne qui se débat dans une crise financière aiguë. Sommes-nous alors proches du chaos dont s'alarmait justement, il y a exactement deux années, le secrétaire général de l'ONU ? Tout y mène.