Etat palestinien virtuel, la bande de Ghaza et la Cisjordanie se préparent à des législatives difficiles marquées par les déchirements inter-palestiniens. Les Palestiniens préparent les élections législatives du 25 janvier prochain dans un climat de doute induit par les déchirements au sein du Fatah - le mouvement du président Mahmoud Abbas - et la montée en puissance électorale du Hamas d'une part, les pressions alarmistes de l'Occident (Etats-Unis et Union européenne) quant à une participation du mouvement islamiste Hamas aux prochaines législatives, d'autre part. Il est patent que le raz-de-marée du Hamas dans les grandes villes de Cisjordanie, lors du scrutin municipal de la mi-décembre, a fait forte impression en Occident qui a immédiatement mis en garde contre la présence du Hamas aux élections du 25 janvier. Ainsi, dans une résolution votée dimanche dernier, la Chambre des représentants américains a adopté à une écrasante majorité une motion dans laquelle elle dénie au Hamas le droit de prendre part au scrutin législatif indiquant que «des organisations terroristes, comme le Hamas, ne devraient pas pouvoir participer aux élections palestiniennes tant qu'elles ne reconnaîtront pas l'existence d'Israël». Moins directe, mais exprimant le même doute, l'Union européenne n'en avertit pas moins les Palestiniens quant aux conséquences d'une arrivée du Hamas au pouvoir comme l'indiquait dimanche à Rafah, Javier Solana, Haut représentant de l'Union européenne (UE) pour la politique étrangère qui a déclaré à l'issue d'une visite au terminal palestinien qu'«il sera difficile à l'Union européenne d'oeuvrer avec l'Autorité palestinienne si le mouvement radical islamiste Hamas devait remporter les élections de janvier». De fait, sans le dire clairement, Américains et Européens remettent en cause le droit d'une catégorie de Palestiniens à participer à la vie politique et électorale des territoires palestiniens. Ainsi, l'Occident veut imposer à l'Autorité palestinienne une démocratie à deux vitesses se faisant l'avocat d'un Israël qui, tout en dénonçant la participation du Hamas aux législatives, pose des obstacles à l'accomplissement par les Palestiniens de leur devoir électoral par notamment l'interdiction faite aux Palestiniens de Jérusalem-Est de prendre part au scrutin du 25 janvier. Un scrutin qui, par ailleurs, a mis en lumière le clash entre caciques et jeune garde dans le mouvement Fatah déchiré par une crise aiguë qui s'est ouverte autour du choix des candidats et de la tête de liste du mouvement créé par Yasser Arafat. Ainsi, deux listes l'une, officielle, regroupant, autour de Mahmoud Abbas et du Premier ministre Ahmed Qoreï, les «hiérarques» du Fatah, l'autre menée par les jeunes loups du même Fatah ont désigné comme tête de liste le charismatique Marwan Al-Berghouthi, le chef de l'Intifadha dans la Bande de Ghaza, actuellement emprisonné en Israël. Finalement, le groupe de M.Abbas a dû renoncer à porter à sa tête le héros palestinien sans que, pour autant, la crise du Fatah soit désamorcée. Ainsi, la «troisième voie» liste conduite par la pasionara et députée palestinienne Hanane Achraoui et l'homme politique qui monte, le ministre des Finances, Salam Fayyad, a décidé de suspendre sa participation aux législatives. Expliquant les raisons de ce désistement M.Fayyad a déclaré à la presse: «Notre liste, la troisième voie, a décidé de suspendre sa participation à la campagne électorale» par le fait que «les circonstances actuelles et les derniers développements ne créent pas une atmosphère propice à la tenue de ces élections dans de bonnes conditions». Il regretta ainsi le chaos sécuritaire qui prévaut actuellement dans les territoires palestiniens occupés, notamment la Bande de Ghaza et le fait que l'Autorité palestinienne, totalement dépassée par les évènements, soit incapable de remettre de l'ordre dans les territoires qu'elle administre. M.Fayyad déplora par ailleurs les divisions au sein du Fatah qui ne servent pas la cause palestinienne. De fait, la crise qui mine le parti au pouvoir risque de laisser le champ libre à son principal rival le mouvement Hamas qui a le vent en poupe comme le montre sa récente large victoire aux communales de Cisjordanie. De fait, commentant cette victoire, le porte-parole du Hamas, Sami Abou Zouhri, a déclaré: «Ces résultats constituent un indicateur pour les prochaines législatives et laissent envisager une large percée de notre mouvement dans ce scrutin» et de souligner: «Cette victoire traduit le ralliement de notre peuple au choix du changement, de la réforme et de la résistance». En tout état de cause le mouvement de Khaled Mechaâl se positionne en vue de législatives qui s'annoncent décisives pour les Palestiniens et peuvent constituer un tournant important pour la suite du contentieux israélo-palestinien. Aussi, l'enjeu du scrutin du 25 janvier est-il crucial pour le devenir des territoires palestiniens. Dès lors, une victoire du Fatah confortera la ligne d'Abou Mazen (Mahmoud Abbas) et le soutien qu'apporte l'Occident à l'Autorité palestinienne. Mais le Fatah déchiré par les ambitions des uns et les pesanteurs qu'imposent les autres, a-t-il les moyens de perpétuer le monopole qu'il avait sous l'autorité d'Arafat? Par ailleurs, une arrivée du Hamas au pouvoir ouvrira, il ne fait pas de doute, les portes vers l'inconnu. C'est donc marquée par ce dilemme que la campagne électorale tentera de clarifier la donne palestinienne et de remettre les choses à l'endroit afin d'éviter au peuple palestinien de revenir à la case zéro.